C'est maintenant reconnu : Alessandro Scarlatti (Palerme, 1660-Naples,1725), qui a surtout été actif à Rome et à Naples, est un des très grands noms de l'histoire de la musique lyrique. Son langage musical est noble et élégant. Avec ses 115 opéras (dont 70 conservés) il est le plus illustre et le plus fécond représentant de l'école napolitaine d'opéra, apprécié et imité dans toute l'Europe de son siècle. Mais c'est la cantate de chambre qui constitue son terrain d'expérimentation : Plus de 600 cantates pour voix seule avec basse continue, une vingtaine à deux voix. Leur structure fait alterner un nombre réduit de récitatifs et d'arias da capo, innovation de Scarlatti. L'invention mélodique est toujours au rendez-vous, comme le « cantabile », souvent sur des rythmes langoureux. Il fournira des thèmes à Haendel, il inspirera Bach et encore Mozart. Il n'a écrit que 7 cantates pour ténor, moins que pour la basse, sans parler des quelque 500 cantates pour soprano. Ce qu'il recherchait dans la voix de ténor, surtout dans son registre médian, c'était un ton de réalité quotidienne, et à atténuer la charge dramatique habituellement associée à la voix. Les six cantates présentées dans cet album, inédites au disque, font souvent dialoguer le violon et la voix, accompagnés par la basse continue. Les audaces harmoniques y abondent, la saveur théâtrale y règne. Les textes traitent des tourments de l'amour sans retour. Le grand ténor mexicain Baltazar Zuniga, familier des grands rôles mozartiens, haendeliens, monteverdiens, nous rend très attachantes ces cantates, avec ses accents tendres ou pathétiques, et parfois la touche d'humour qui s'impose dans ce répertoire. Les trois sonates pour violoncelle, instrument encore nouveau à l'époque, et basse continue, que cet album fait agréablement alterner avec les cantates, sont inédites au disque. En quatre mouvements, elles préfigurent la sonate classique. Elles comptent parmi les meilleures œuvres instrumentales de Scarlatti. L’Ensemble Musica Perduta, engagé dans la redécouverte du répertoire baroque sur instruments d'époque (violon, théorbe, guitare, clavecin, dirigés du violoncelle par Renato Criscuolo) nous procure avec elles un grand plaisir d'écoute. Ce CD pourrait être une excellente introduction à l'oeuvre de ce compositeur majeur, qui n'a pas encore la reconnaissance qu'il mériterait. (Marc Galand)
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