Bargiel (1828-1897), Woldemar — de son prénom, comme le héros romantique de F. H. Jacobi (1794) — fait partie de la constellation des compositeurs soutenus par les Schumann : Clara — dont il était le demi-frère — et Robert — dont il était le demi beau-frère. Ayant reçu les enseignements de Moscheles, Rietz et Gade, Bargiel profita de cette généreuse égide quasi familiale pour composer à partir de 1851 des œuvres de musique de chambre : le Trio Parnassus a enregistré l’intégrale des Trios pour violon, violoncelle et piano op. 6, op. 20 et op. 37 en deux volumes (MDG Gold Label 303 0805-2 et 303 0806 2), de musique symphonique, ou instrumentale principalement pour le piano : Daniel Blumenthal a jadis donné un aperçu de ces dernières (Marco Polo 8.223606). Bargiel devint vite un professeur réputé : Paul Juon, Leopold Godowsky furent de ses élèves. Las, malgré ce parrainage, les œuvres de Bargiel tombèrent dans l’oubli. On est donc heureux que le Trio Lenore — Tim Horton, Benjamin Nabarro, Gemma Rosefield — propose aujourd’hui l’enregistrement de ses deux premiers Trios, sans qu’il soit précisé si le troisième fera l’objet d’un enregistrement à venir. Œuvres de vastes dimensions en quatre mouvements, respectivement 37’33 pour le premier et 35’58 pour le second, ces Trios se signalent par une ampleur sonore quasi symphonique et des thèmes facilement mémorisables, habilement travaillés selon les canons romantiques les plus affirmés. En compagnie de Brahms, Bargiel ne fût-il pas l’éditeur des œuvres complètes de Schumann et de Chopin ? Avec le brio et l’intense sensibilité de ses membres, le Trio Lenore illustre magnifiquement les qualités de ces compositions dont, à l’instar de Woldemar, les idées jaillissent des sentiments, et qui méritent largement de sortir de l’ombre de celles de Schumann et de Brahms, leurs cousines germaines ou par alliance d’esthétique… (Jacques-Philippe Saint-Gerand) La vie du compositeur Woldemar Bargiel est liée à celles du couple Schumann et de Brahms. La mère de Bargiel avait été l’épouse du père de Clara Wieck-Schumann. Plus tard, Bargiel et Clara ont gardé des relations très cordiales, et elle le présenta à Robert Schumann et à Mendelssohn. Il étudia le piano avec le protégé de ce dernier, le danois Niels Gade, puis consacra sa vie à l’enseignement de la théorie et de la composition. Fidèle en amitié et grand admirateur de Schumann, il collabora avec Brahms à l’édition de ses oeuvres. Voilà pour l’homme. Quant à ses oeuvres, si elles sont longtemps restées dans l’ombre, elles réapparaissent depuis peu. Le trio Parnassus nous avait déjà offert une intégrale des trios, et voici que le Leonore Piano Trio, qui s’était déjà illustré chez Hypérion dans de très beaux enregistrement d’oeuvres rares (Litolff, Taneyev) ou plus connues (Rimski-Korsakov, Arenski), grave à son tour les deux premiers. On ne peut qu’être d’emblée séduit par l’allant de cette musique de chambre savamment écrite, dont les mélodies ingénieuses restent agréablement en tête. Si vous souhaitez élargir votre horizon, allez faire un tour chez Bargiel : ces trios injustement méconnus ont un charme fou ! (Walter Appel)
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