C'est vers les sources du style phantasticus que nous mène ce programme d'oeuvres d'orgue, italiennes pour la plupart, de la première moitié du XVIIème siécle. Cela a de quoi surprendre. Nous identifions en effet, cette caractérisation avec la manière des compositeurs, organistes ou clavecinistes, de l'Allemagne du nord ayant brillé plus tard dans le siècle, Dietrich Buxtehude au premier chef, mais aussi Bruhns, Weckman, Pachelbel et quelques autres qui ont impressionné et attiré le jeune Jean Sébastien Bach vers les villes de la ligue hanséatique où il séjourna bien plus longtemps que ne lui permettait le congé accordé par ses employeurs d'Arnstadt... Ce style musical se reconnaît aux ruptures qu'il ménage dans la continuité mélodique, rythmique, de tonalité, de tempi, d'affects même, des oeuvres. On pourrait avoir le sentiment d'entendre des pièces juxtaposées arbitrairement sur la même partition. Un théoricien du temps écrit qu'il s'agit, pourtant, de: « révéler les règles secrètes de l'harmonie » et vante l'ingéniosité de ces compositeurs, leur habileté à résoudre les tensions installées entre les lignes de contrepoint. Une liberté de composition s'affirme dans ces Fantaisies, Ricercars ( recherches ), Toccatas, mais, souterrainement, un lien harmonique subsiste entre les sections de l'oeuvre. Le choix d'Irène de Ruvo s'articule autour de ces deux chefs d'écoles que furent le néerlandais Sweelinck et le romain Frescobaldi et nous permet d'apercevoir les percées que manifestent des oeuvres que l'écriture en imitation des organistes et la contrainte d'avoir à reprendre les thèmes du chant liturgique auraient pu conduire à un excès de rigueur voire d'austérité. Allier cohérence et fantaisie tel est le défi plus ou moins bien relevé par ces compositeurs qui participent à l'émergence d'un âge nouveau de la pensée musicale, alors que la stabilité des polyphonies de la Renaissance, leur immobilité contemplative, ne correspond plus à la sensibilité du monde baroque. La jeune organiste, musicologue, est familière de ces écritures qui se cherchent dans le basculement qui s'opère. Elle sait en saisir la construction et la rendre sensible. Elle joue un magnifique orgue de 1664, signé Willem Hermans, installé dans l'église St Ignace de Loyola de Pistoa, à la voix haute, puissante et claire dont les couleurs sont proches des instruments d'Allemagne du nord de la même époque alors que les tirants de registre portent les appellations italiennes traditionnelles... (Alain Letrun) Since its beginning, organ writing has been characterised by its imitation and contrapuntal stylethe severity of the melodic lines managing to catch the distinctive element of the instrument, sound emission preventing perspective differentiation of different sound pianos. The organ was the instrument which helped an exceptionally artistic compositional style tothrive in music chapels in Italy, being the only musical instrument allowed in religious places. It was used both in accompaniment and in transposition to the instrument of motets and vocal masses, sometimes even to replace chants, habit which led to alternatim, alternation of instrument and voice, with a music balance where ‘now the words are clear and now are lost’ (Dante Alighieri, Purgatory, IX, 145). Although the organ repertoire was a slave to the sacred chanting, it very soon departed from it, producing music forms solely dedicated to the instrument performance Ricercare, Tiento, Toccata, Intonazione, Praeludium, Praeambulum. The list of titles is so rich and it can translate equivalent writing forms, some closer to the imitationcontrapuntal style, some others closer to free invention, according to a style that is more similar to improvisation. The term stylus phantasticus refers to the latter, a music gesture of extreme elasticity and freedom in performance.
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