 C'est à un voyage vers l'aube de l'instrument à cordes et à clavier que nous invite cet enregistrement, dans cette Italie du nord des XIV, XV, et XVIèmes siècles, là où, de Milan à Vérone et de Mantoue à Ferrare, des influences flamandes croisent les héritages locaux. C'est, en effet, les toutes premières pièces imprimées, dont les tablatures du Codex Faenza (vers 1420), qu' a choisi de nous faire découvrir Federica Bianchi qui joue, pour la circonstance, trois types de clavecins copies d'anciens : 1) un clavicymbalum construit d'après le dessin de Arnaut de Zwolle (vers 1440) pour les pièces du Codex Faenza, 2) un instrument de type italien du XVIème siècle avec des cordes en boyau pour les Frottole d'Andrea Antico et une copie d'instrument italien du XVIIème siècle pour les pièces de la fin du XVIème. Elle parcourt ainsi le mouvement de maturation qui mène des premières tablatures de chansons profanes jusqu'au Ricercars et aux Toccatas virtuoses du baroque naissant. Les sonorités du clavicymbalum semblent surgir de mondes anciens, de quelque orient improbable. Ces pièces sont pourtant signées de noms de musiciens que nous savons situer dans l'histoire de la musique européenne, tel celui de Jacopo da Bologna (1340-1386) ou de Francesco Landini, son élève. Nos repères auditifs sont moins désorientés à l'écoute de ces Frottoles, chansons courtoises d'Andrea Antico publiées à Venise en 1517. Un exemple de l'évolution vers la toccata du baroque naissant nous est donné par la version due à Antonio Durante de la canzona "Chi la dirra" d'Adrien Willaert, elle-même reprenant la chanson française "Qui la dira la peine de mon coeur". On doit reconnaissance au label Passacaille, qui avec la collection Early Keyboards permet aux mélomanes d'explorer la riche élaboration des formes musicales, parallèle aux inventions de la facture instrumentale, longtemps l'apanage des seuls musicologues. Federica Bianchi, devenue une intime de cet univers qu'elle aime déploie tout son talent pour nous y introduire. Nous referons la visite avec elle... (Alain Letrun)

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