Furtwängler se voulu compositeur, et compositeur osant succéder à Schubert et Bruckner, d’emblée cherchant l’immense dès sa Première Symphonie qu’il acheva au cœur de la seconde guerre mondiale, durant le sinistre printemps de 1943. Il y travaillait depuis 1938, se mesurant à une œuvre cyclopéenne, quasiment une heure trente de musique, deux immense Adagios regardant absolument vers Bruckner montrant tout son art, sa maitrise d’un temps infini, alors que le Scherzo, court d’idée, buttera à la ligne. Fawzi Haimor et sa vaillante phalange n’ont pas peur du temps long. Ce qu’Alfred Walter contractait dans le seul autre enregistrement de l’œuvre dont on dispose (Kocise, 1989, version pionnière pour Marco Polo), ils le laissent respirer, ourlant les deux Adagios d’une poésie nocturne troublante, et réussissant à tendre l’arche du final, dont les beautés étaient jusque là sacrifiées. Mais le Scherzo reste de toute façon impossible, même pris dans un tempo un peu plus large. C’est l’écueil de cette symphonie impossible, de ce rêve de symphonie que Furtwängler parachèvera dans la Seconde. J’aimerai savoir ce que Fawzi Haimor en ferait, tout comme de la Troisième d’ ailleurs… (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Toute sa vie, Wilhelm Furtwängler s’est voulu un compositeur qui dirigeait et non un chef d’orchestre qui composait, mais la postérité n’a pas ratifié cette ambition. Ses œuvres sont toutes caractérisées par un post-romantisme fidèle au langage de sa jeunesse au tournant du XX° siècle, des dimensions imposantes et un style profondément sombre. Sa première symphonie qu’il mit en répétition en 1943 mais ne joua jamais publiquement ne fait pas exception. De presque une heure et demie, elle se déroule dans un climat expressif tourmenté et très marqué par Bruckner. Fawzi Haimor prend la partition à bras le corps et n’hésite pas à lui insuffler un geste large et dramatique ; il faut passer sur l’apparent anachronisme du langage (la symphonie aurait pu aussi bien être écrite avant la première guerre ; d’ailleurs elle réutilise le matériau d’une première tentative inachevée en 1908) et se laisser porter sur les flots de ce post-romantisme généreux et complexe pour savourer cette grandiose épopée orchestrale. Certes la deuxième symphonie que Furtwängler lui-même a souvent dirigée et même enregistrée atteint une plus grande perfection formelle et expressive, tandis que la troisième nous touche par son bel adagio. Mais on ne peut dissocier le génie du chef du talent du compositeur. Espérons que Fawzi Haimor, décidément un chef à suivre, gravera les deux suivantes pour donner un nouveau cycle au disque, et saluons déjà cette première réalisation magistrale. (Richard Wander) Wilhelm Furtwängler was an avid composer even as a boy. His natural talent developed continuously until he had reached early adulthood. His compositions from these early years included symphonic works and an impressive Te Deum, but the promise they contained was not fulfilled: while Furtwängler quickly was able to obtain increasing success as a conductor, his creative juices ceased to flow for almost a quarter of a century. It was first after his open conflict with the new German regime (in the »Hindemith Affair«), causing him to resign from all his official posts, that his compositional energies once again streamed forth. The yield from the last twenty years of his life, when he apparently was in search of lost times past, included two violin sonatas, a piano quintet, a piano concerto, and three monumental symphonies. And the search was successful: already the Symphony No. 1 in B minor composed between 1938 and 1941 releases with elemental force the energies formerly held back and sends them flowing into architectures of Brucknerian dimensions without the composer ever slavishly following the precedents set by the Austrian master. With this work Wilhelm Furtwängler, standing firmly on Late Romantic tonal ground, thoroughly acquainted with the resources of the philharmonic orchestra, slow and deliberate in his composing, introduced a triptych that can be understood as a memorial to a bygone era and at the same time is to be heard as a hopeful signal.
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