 Quelle riche idée d’avoir réuni en deux disques, des œuvres de jeunesse et plutôt rares au disque de Stravinski avec deux de ses ballets emblématiques ! Entre 1905, date de la composition de la Symphonie d’une facture totalement tchaikovskienne et la révolution du Sacre du printemps de 1913, le gouffre est prodigieux. L’évolution de l’écriture du compositeur russe n’est nullement prévisible dans les premiers opus. Il aurait pu poursuivre dans les grands élans romantiques à la manière d’un Borodine ou d’un Rachmaninov. L’influence de Rimski-Korsakov est encore trop puissante. Quel charme que le "Faune et la Bergère" ! Déjà, le chromatisme tente une approche wagnérienne. Le jeune musicien se cherche. Jurowski et le Philharmonique de Londres ne "surjouent" par l’émotion, s’inpirant peut-être de la propre version de Stravinski avec le Symphonique de la Columbia. Beaucoup plus avant-gardiste, le "Scherzo fantastique" achevé en 1908 met en valeur les bois de l’orchestre, pressentant "L'Oiseau de feu". L’acoustique du Royal Festival hall écrase, hélas, les orchestres dans la profondeur. Tout s’entend mais manque de respiration. Redécouverte en 2005, la partition du "Chant funèbre" était selon Stravinski, qui ne put emmener le manuscrit dans son exil, sa première grande œuvre. Dédiée à son maître Rimski-Korsakov, elle fut dirigée pour la première fois, en 2016, par Valery Gergiev."L’Oiseau de feu", assurément est en germe. La version originale de 1910 proposée par Jurowski est de très belle facture. Elle souligne les "acidités" harmoniques, les jeux sur les durées, le caractère féerique de l’écriture. Une belle version. Au sein d’une prodigieuse discographie, le "Sacre du printemps" de Jurowski est plus qu’intéressant, remarquable de densité et d’expressivité (il est vrai capté en concert). Le défi est relevé par un orchestre aussi souple que précis et virtuose. (Jean Dandrésy)  Au long de son magister à la tête du London Philharmonic, Vladimir Jurowski aura bâti un imposant cycle Stravinski qui trouve enfin son écho au disque. Premier volume de ces captations en concert, un portrait du compositeur en jeune-homme, du pastiche façon Glazounov de la Symphonie op. 1, dirigée leste malgré son ancrage romantique, à un "Sacre du Printemps" que Jurowski construit en se gardant bien des effets faciles : la magnificence des timbres, l’opulence de l’harmonie, y contrebalancent la lecture essentiellement rythmique que bien des chefs y auront imposé d’abord. C’est l’élément saillant de ce premier volume, d’abord parce que la lecture très (trop ?) symphonique de "L’Oiseau de feu" peine à me convaincre, ignorant la poésie de la narration comme le souffre des scènes infernales, ensuite car les autres opus sont du Stravinski mineur, sinon le Scherzo fantastique où le démonisme de l’auteur n’est pourtant pas assez souligné par la clarté d’une battue si élégante. Mezzo un peu trop opulente pour les poèmes de Pouchkine – le petit cycle du "Faune et de la Bergère" s’accommode de voix plus lestes – Chant funèbre minimaliste, le premier disque aurait gagné à offrir également "Le Roi des étoiles", seul vrai coup de génie du tout jeune Stravinski, d’autant que le minutage l’aurait autorisé. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

|