Bien avant les Talich, les Panocha, les Prazak et les Vlach qui perpétuent l'école d'aujourd'hui du quatuor à cordes tchèque, il y eut ce Bohémian Quartet fondé quasiment au dix-neuvième siècle en 1891 et dissout en 1934. Il était composé de Karel Hoffman, de Josef Suk, d'Oskar Nedbal à l'alto et d'Otto Berger au violoncelle. En quarante années de carrière, quelques changements intervinrent par la suite au sein du quatuor, seul Hoffman resta fidèle au poste de primarius. Ils enregistrèrent hélas peu : Dvorák, Suk, Smetana et quelques mouvements de quatuors de Beethoven et de Schubert (Chez Polydor indisponible). C'est dire l'importance de ce disque du label américain Parnassus qui réunit les trois compositeurs tchèques. Enregistré en 1928, le quatuor se compose alors d'Hoffman, de Suk, de Jeri Herold (Alto) et de Ladislas Zelenka (Violoncelle). A l'écoute le son du quatuor paraît assez brumeux (mono repiqué sur du 78t) mais c'est la grande liberté agogique, les tempi rapides et fluctuants, la franchise rythmique et une grande palette de couleurs expressives, audibles malgré la précarité de la prise de son, qui captivent à chaque mesure. Des partitions que chaque membre du quatuor connaît sur le bout des doigts, que chaque phalange à définitivement mémorisé et qui ne servent plus qu'à des moments de convivialité et de partage, d'authentique émotion. Merveilleux quatuor Américain de Dvorák qui jamais n'a respiré ainsi. Pareil pour le chaleureux quatuor de Suk (Ecrit pour eux et créé à Prague en 1896), son élève et beau-frère, joué si simplement comme à la maison entre deux Pilsner. Entendre aussi comment les « Bohémiens » prennent la polka du premier quatuor de Smetana, presque en tapant des pieds pour retenir ensuite des bassines de larmes sur le Largo. Portamenti enflammés, attaques discordantes, équilibre et justesse précaires (Le Vivace du Smetana!) rien ne vient entacher la pure essence de l’interprétation, au sens vrai du mot. Irremplaçable et jubilatoire. (Jérôme Angouillant)
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