 Les six oeuvres pour violon et pianoforte coposées par Schubert : trois sonatines de jeunesse, une sonate, un « Rondo brillant » et la célèbre Fantaisie, concentrent tout son art : tantôt d’une virtuosité étourdissante, tantôt d’une simplicité divine, toujours conduites par une ligne mélodique sublime. La Fantaisie à elle seule est peut-être le plus beau sommet de la musique pour duo piano-violon. Le pianiste et claveciniste Piet Kuijken (fils de l’illustre violoncelliste Wieland Kuijken) et le violoniste Naaman Sluchin ont beaucoup expérimenté et réfléchi à la façon de jouer ces oeuvres sur instruments anciens. Le pianoforte de 1828 employé offre une palette sonore saisissante, des graves profonds et vibrants, des aigus étonnants de douceur, se prêtant magnifiquement aux exubérances et à la musicalité de ces pièces. Accompagné d’un violon Tononi monté en boyau, ils jouent dans une gamme non tempérée qui met en relief les jeux de modulations du compositeur. Ajoutons que la prise de son, très proche des instruments, nous accorde d’emblée l’intimité que réclament ces duos. Mais là n’est pas l’essentiel. Laissons-nous envahir par l’énergie débordante et la poésie sublime de la Fantaisie et des Sonatines, que le remarquable duo Sluchin/Kuijken interprète avec une fougue et une passion magistrale. (Walter Appel)  Bien qu'ayant très tôt appris et pratiqué le violon, Schubert n'a que peu écrit pour cet instrument, et ces œuvres ne comptent pas parmi les plus jouées. De plus, à l'exception du « Rondo brillant », ces œuvres de jeunesse comme celles de la maturité n'ont été publiées qu'après sa mort prématurée. Ce double album nous permet donc de parcourir plus de dix ans de création, et de découvrir différentes facettes du génie de Schubert. Et d'abord son éclosion, avec les trois premières sonates op. 137 (les « sonatines ») écrites à 19 ans « dans la lumière de Mozart ». Elles sont chantantes, parfois joyeuses et insouciantes, parfois mélancoliques et introverties, avec ces modulations délicates dont Schubert avait déjà le secret. La quatrième sonate, composée un an plus tard, dite « grand duo », (op. posth. 162) est d'une écriture plus dense et aventureuse, exigeante sur le plan de la technique et de la virtuosité. Le « rondo brillant », écrit en 1826 et créé en 1827, également très exigeant techniquement, a quelque chose d'orchestral, avec son introduction Andante très dramatique, suivie du rondo proprement dit, alternance de refrains et de couplets, avec des changements d'humeur entre les modes majeur et mineur, qui nous laisse voir toute une gamme d'émotions. La Fantaisie op. posth. 159 composée en 1827, dernière œuvre du compositeur pour cette formation, eut peu de succès lors de sa création en 1828. En un seul mouvement, mais proche par sa structure d'une sonate en quatre mouvements, elle joue sur les ambiguïtés majeur-mineur et reprend avec des variations le thème du lied « Sei mir gegrüsset ». Les excellents interprètes Piet Kuijken (pianoforte) et Naaman Sluchin (violon) ont fait le choix d'instruments et d'un tempérament d'époque, ce qui leur a « donné des ailes pour encore plus de liberté dans l'agogique, le phrasé, le rubato, les contrastes et les dynamiques », rendant justice « à la poésie parfois échevelée des œuvres tardives ». Un enregistrement qui fera date dans une discographie rare. (Marc Galand)

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