Arnold Schoenberg (1874-1951)
La Nuit transfigurée, op. 4 (Verklärte Nacht), pour sextuor à cordes

Richard Strauss (1864-1949)
Une symphonie alpestre, op. 64

Wiener Philiharmoniker
Christian Thielemann, direction

Passionnante mise en abîme. Christian Thielemann verse la "Verklärte Nacht" du côté du passé, vaste commentaire post-Tristan, dont il berce d’un mouvement ample les épisodes, opéra sans voix dans lequel les cordes des viennois s’engouffrent sans craindre la moindre prise de risque. C’est grisant, pas du tout Dehmel, libéré de tout névrotisme, d’une morbidezza absolument décadente et pourtant jamais étouffante, d’une telle beauté plastique, d’un tel fluide. Immense simplement, mais résolument tourné vers hier pour mieux exposer la langue, jusque-là insoupçonnée aussi moderne, de la "Symphonie Alpestre" dont Thielemann fait entendre le moindre détail. Cette langue si parfaite, la savait-on osant d’un vocabulaire si novateur ? Fascinante relecture qui détache ces ateliers sonores de toute ambition illustrative, et donne une dimension nietzschéenne à l’Elégie. L’"Orage" pourra éclater, précipité saisissant dont la violence millimétrée est en soi un manifeste moderniste. Quel concert, dont la captation vidéo augmente encore l’impact. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

Les 18 et 19 février 2023, le programme de l’orchestre philharmonique de Vienne sous la baguette de Christian Thielemann sonne comme une apothéose du grand style symphonique viennois. La nuit transfigurée dans sa version élargie en 1943 au grand ensemble de cordes y compris huit contrebasses apparaît comme dans la descendance directe de Tristan, sensuelle et tourmentée. Dirigeant par cœur ce répertoire que l’orchestre et lui connaissent intimement, Thielemann exalte le lyrisme exacerbé de ce véritable poème symphonique pour cordes, et l’orchestre comme d’habitude lui obéit avec une véritable dévotion (les regards subjugués de Rainer Honeck le Konzertmeister élu par Thielemann vers le chef parlent d’eux même). Mais ce n’est qu’un hors d’œuvre avant la monumentale Symphonie des Alpes de Strauss, un « must » du chef berlinois. L’immense effectif requis par Strauss occupe toute la scène du Musikverein, sans compter les cuivres en coulisse. Là encore dirigeant par cœur, Thielemann maîtrise de flot du lyrisme torrentiel du dernier poème symphonique de Strauss ; les passages les plus monumentaux comme la formidable arrivée au sommet ou l’orage font trembler les murs mais les épisodes plus délicats mettent en valeur les musiciens solistes, tous admirables. Quand le plus grand orchestre du monde placé sous la direction de son chef de prédilection joue une œuvre aussi spectaculaire, le résultat s’avère proche de la perfection. Après l’épilogue rêveur de cette course en montagne, les hurlements d’admiration du public tout comme les sourires du chef et des musiciens confirment leur sentiment d’avoir assisté à un moment d’exception ; sans doute la plus belle interprétation depuis le disque historique de Karajan à Berlin, dont Thielemann a, ce n’est pas un hasard, repris ce soir-là un programme fétiche. Prodigieux. (Richard Wander)

The Subscription Concert Series of the Wiener Philharmoniker from the Golden Hall of the famous Musikverein are special concerts reserved for subscribers. Due to the exceptional quality of the concerts and the limited offer, the average waiting time for subscribers is more than 10 years. With this series, these very special concerts are made available for the first time audiovisually to a wider audience worldwide. For this subscription concert, the Wiener Philharmoniker asked a long-time artistic companion to take the podium: more than 140 concerts and a multitude of celebrated recordings connect Christian Thielemann with the traditional Viennese orchestra. The live recording of his debut on the podium at the Vienna Musikverein almost 23 years ago promptly became a reference recording. On the programme then as now: Richard Strauss' monumental Eine Alpensinfonie (An Alpine Symphony). This work, often regarded as the final and climax of the "symphonic poem" genre, is juxtaposed with Arnold Schönberg’s probably most famous tonal composition, the orchestral version of the string sextet Verklärte Nacht (Transfigured Night). Composed in 1899, this highly expressive work by the 25-year-old Schönberg reads, in retrospect, like a swan song to the 19th century.