L'opéra Moïse et Aaron fut écrit et composé en 1930-31 par Arnold Schöenberg d'après l'Exode de la Bible (Ancien Testament). Deux actes (un troisième resté inachevé) pour décrire deux frères. Deux personnages de caractère opposé : Moïse, divin à la Wotan, idéaliste, chargé d'une mission divine mais incapable de la transmettre aux hommes. Aaron, humain et pragmatique, dans sa volonté aveugle de guider un peuple désorienté. Reflet d'une période sombre dans l'œuvre de Schœnberg, qui entrevoit avec inquiétude l'avènement d'un chaos historique et au delà, l'intuition à la fois de l'importance et de la relativité de sa propre création, Moïse et Aaron relève de l'autoportrait critique et tourmenté. S'ensuivra l'exil amer du compositeur aux Etats-Unis. L'écriture de cette œuvre dodécaphonique qui tient autant de l'opéra que du théatre, est basée sur une seule série qui tout au long de la partition évolue et se métamorphose. La structure en est fluide et resserrée (1 heure 50 environ) ; organisée autour de la symbolique du texte religieux et de l'expression des deux voix : le texte parlé (déclamé, chuchoté, crié...etc) par Moïse, symbolisant loi et sagesse, lutte et combat ; le texte chanté par Aaron, ténor opératique à la tessiture très étendue, plus prosaïque. Ajouté à cela, l'importance de la masse chorale (le peuple). Enfin, la grande diversité de l'écriture orchestrale, essentielle dans son rôle de soutien aux différents protagonistes (l'opéra) et dans l'élaboration et la progression du drame (le théatre). Chœur (extraordinaire marée humaine) et orchestre prestigieux (issu de Baden Baden et de Freiburg), solistes émérites (incarnations parfaites de Franz Grundheber en Moïse et de Andreas Conrad en Aaron, tous deux fort bien différenciés) sont tous dirigés d'un bras souverain par Sylvain Cambreling. L'interprétation vise deux objectifs : la compréhension dramatique et l'exaltation de la beauté de la partition. Privilégiant la lisibilité des formes, la couleur, les contrastes et la véracité des climats (la vocation de Moïse, l'orgie du Veau d'or), le chef respecte l'austérité un peu rêche de l'œuvre et refuse judicieusement tout expressionnisme. La prise de son SACD, fidèle à l'ambition des interprètes, allie mise en espace scénographique et sensualité sonore. (Jérôme Angouillant) Schoenberg's masterpiece in the twelve-tone system he developed was his unfinished opera "Moses und Aron", a vastly complex work based on a single tone row. That it remained a fragment may be essential to its spiritual message, for while Schoenberg never stated it explicitly, it would seem that he left this most ambitious project of his mature style incomplete on purpose. It is almost as though it would be impious to give a final and definitive form to matters so profound and spiritual; like the name of Yahweh they are ineffable. Even today, Arnold Schoenberg's opera "Moses und Aron" is an incredibly intense listening experience. Whatever one thinks about Schoenberg‘s musical language - here it finds an expressiveness and cohesion which the listener cannot escape. This is especially the case in this new production of a work which does not appear on CD too often, sounding wonderfully transparent even in its most powerful and loudest moments. Appearing in the role of Moses, the world-famous baritone Franz Grundheber delivers an impressive characterization of the prophetic/revolutionary. Tenor Andreas Conrad embodies Moses‘ practically oriented brother Aron with a rare intensity, and the EuropaChorAkademie are outstanding as the third component of the drama, the Israelites. The entire production is overseen by one of the most convincing conductors for this repertoire, Sylvain Cambreling who leads the flawlessly playing orchestra.
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