A l'affiche : une grande pianiste, un grand piano. La pianiste : Angela Hewitt clos son intégrale par son point culminant : l'Art de la Fugue, sommet du grand œuvre de Bach. Le piano est un Fazioli, la limousine du piano à queue. Ce qui frappe d'emblée, c'est l'entente à double fond de l'une (l'interprète) avec l'autre (l'instrument). Hewitt nous fait entendre la stupéfiante qualité de son Fazioli et ce dernier magnifie le jeu clair et perlé de la pianiste. Le premier contrepoint surprend par une volonté préméditée de fleurir le discours en y injectant de subites appogiatures. Depuis Glen Gould, Grigori Sokolov ou Zoltan Kocsis, on avait plutôt l'habitude d'un phrasé rectiligne, linéaire, absolument rigoureux et qui d'ailleurs n'empêchait nullement l'expression de la couleur et du chant, ceux ci passant derechef par la splendeur du contrepoint. La pianiste canadienne note dans son journal de bord (la notice du CD) où elle décrit ses humeurs et ses réflexions : « Ce que j'en avais entendu ne m'avait jamais semblé enthousiasmant, je ne pouvais pas croire que Bach ait écrit à la fin de sa vie quelque chose d'ennuyeux ». Au fil des contrepoints, des entrées successives, des sujets inversés, renversés, ou même savamment bouleversés, des fugues en miroir, des strettes en folie, Angela Hewitt délaisse la dentelle pour se contenter de faire le job. C'est une prouesse étant donné la complexité de la partition. Elle décrypte non sans élégance, avec le doigté qu'on lui connait, cet écheveau maniaque de voix, de lignes juxtaposées, avec l'objectif de restituer ce subjuguant patchwork contrapuntique en restant fidèle au grand Jean Sébastien. La pianiste instille quand même dans cette lecture probe de la partition, des tempi variés, parfois un rubato bien senti, des inflexions rythmiques salutaires (contrepoints 8 et 11), un brin d'emphase (premiers contrepoints) et, heureusement, une certaine dose d'appropriation. Pour le quatorzième contrepoint à trois sujets, Angela Hewitt choisit de le laisser en l'état d'inachèvement pour le compléter du choral « Wenn wir in höchsten Nöten sein » choral que Carl Philip avait ajouté lui-même de façon à boucler la première édition de l'œuvre, comme un suprême adieu à l'œuvre et à la figure paternelles. Laissons la conclusion au journal d'Angela: « Jouer ce prélude après la fugue inachevée, séparée par un long silence, provoque une incroyable émotion, le compositeur se trouvait alors confronté à sa propre mort. Il y fit face avec une grande force, une totale acceptation, et même avec joie ». Edifiant. (Jérôme Angouillant) L'enregistrement tant attendu d'Angela Hewitt reprenant l'ultime chef-d'œuvre de Bach, L'Art de la fugue, vient parachever son intégrale de Bach pour Hyperion—un enregistrement révélateur, fruit de nombreuses exécutions à travers le monde qui lui ont valu de nombreuses louanges et des millions de fans dévoués. Avec ses décennies d'expérience derrière elle, elle insuffle un air frais à cette œuvre extrêmement complexe de Bach, l'interprétant avec une clarté toute crystalline et une profonde sincérité. Angela’s much-awaited recording of Bach’s ultimate masterpiece, The Art of Fugue, is destined to be the crowning achievement of her Bach cycle for Hyperion—a revelatory recording and performing project which has taken her all over the world and won her international acclaim and millions of dedicated fans. With decades of experience behind her, she breathes fresh air into the most complex keyboard-writing of Bach, bringing it to life with crystalline clarity and thoughtful sincerity.
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