 La discographie de Ries (1784-1838), ce grand contemporain de Beethoven, ne cesse de s’amplifier et l’on ne s’en plaindra pas surtout lorsqu’elle est servie par des artistes de la qualité de Christopher Hinterhuber (l’œuvre pour piano et orchestre) ou, comme ici, du Nash Ensemble… Célébré du temps de son vivant comme pianiste expert, proche de Beethoven qui l’accusait toutefois d’imiter son esthétique, compositeur prolifique — huit symphonies, trois opéras, vingt-six quatuors à cordes, huit concertos pour piano et orchestre, etc. — Ries, à l’instar de Czerny, vit l’histoire le reléguer rapidement dans l’ombre du maître de Bonn. Or l’ensemble de sa production, notamment ses œuvres de musique de chambre dans lesquelles le piano tient une part essentielle, méritent beaucoup mieux que cet oubli. Grâce à la géométrie variable et aux interprètes consommés du Nash Ensemble nous découvrons ici un Grand Sextuor pour piano, deux violons, alto, violoncelle et contrebasse aux allures de quasi brillant neuvième concerto, dont le second mouvement, constitué de subtiles variations sur The last rose of summer, est particulièrement remarquable avant que son Adagio-Allegro final retrouve une configuration d’architecture plus chambriste. Dans l’Introduction et danse russe op. 113, qui suit, le chant du violoncelle profond d’Adrian Brendel s’allie éloquemment au piano virtuose de Benjamin Frith. Le Trio en ut mineur op. 143 possède la particularité d’un très ample premier mouvement Allegro con brio, fondé alla Beethoven sur l’opposition d’un thème impétueux en mineur et d’un thème mélodique fluide et lyrique. Les deux mouvements suivants Adagio con espressione et Finale Prestissimo, d’une durée égale à celle du premier mouvement, s’enchaînent très habilement et font contraster une calme rêverie à laquelle succède une tarentelle échevelée. L’originalité du Sextuor en sol mineur op. 142 est d’inclure à côté du piano une harpe, instrument romantique par excellence, une clarinette, un basson, un cor et une contrebasse dans un esprit concertant qui rappelle les Sextuors op. 35 de Moscheles ou op. 58 de Kalkbrenner. Les traits et les arpèges du piano et de la harpe, ponctués de l’éclat des vents, culminent dans un Rondo final aux saveurs ungarese. L’ensemble de ce disque constitue une adjonction de taille et de grand intérêt pour la meilleure connaissance de Ries, superbement servie en outre par des interprètes très investis. Un enregistrement à hautement recommander. (Jacques-Philippe Saint-Gerand)

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