 C’est entendu, Steven Osborne a gravé la plus singulière intégrale du piano de Maurice Ravel parmi les dernières propositions de la discographie. Voila qu’il la parachève avec les Concertos. Son Sol majeur en laissera plus d’un sur le bord du chemin : jamais un divertissement n’aura été aussi sombre, et joué comme en dehors, un Adagio si esseulée et dépressif, un final si peu fauve, si peu martial, lui-même empli par une distance inquiète. C’est l’envers des flamboiements de Martha Argerich, du plaisir physique de Samson François, du pianisme dru, ardent, qui emportait les mouvements extrêmes de la version ravageuse (et jamais assez citée) de Philippe Entremont et de Eugene Ormandy à Philadelphie. Si bien que j’en sors rêveur et inquiet, préparé à suivre Steven Osborne et Ludovic Morlot dans leur « Main gauche » plus atypique, plus suicidaire encore. Les grands moyens du pianiste anglais ne font qu’une bouchée des chausse-trappes, son jeu demeure toujours d’une fluidité fascinante que ce soit dans les vastes cadences comme dans les élans rageurs ou fuligineux avec l’orchestre, mais comment ne pas entendre cette angoisse tenue, mise sous le boisseau, plus terrible à la fin que les flamboiements et les cris de Samson François ? Ce « Main gauche » une fois entendu ne s’oublie plus, si singulier, concerto-poème où l’orchestre épouse chaque plis du jeu du soliste, songe noir d’une nuit sans lune, tout entier versé dans une immenses désillusion. Ecoutez seulement la seconde cadence, pianissimo, vaincue, étreignante. Quel art ! Qui soudain éclate dans une des plus suggestives versions des Nuit dans les jardins d’Espagne de Falla que j’ai croisée. Tout y est, la guitare, le flamenco, la nostalgie debussyste, le soleil implacable, mais d’abord la nuit, la nuit profonde, faiseuse de sortilèges. C’est magnifique de bout en bout, joué en état de grâce, Osborne et Morlot ayant placé l’opus de Falla entre ceux de Ravel, ce qui en dessine les contours tout autrement : Les Nuits ne sont plus cet ouvrage encore incertain d’un Falla parisien qui se cherche, mais déjà la manifestation d’une Espagne gitane qui fera le sel de son œuvre. Album remarquable, vaste précipité dans des nuits sans retour, qui vous accompagnera longtemps (Discophilia - Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Steven Osborne’s solo Ravel for Hyperion has invited comparisons with the distinguished interpretations of the past; this new recording of the concertos is certain to win similar plaudits. The Falla is a generous and appropriate coupling, perfectly complementing these wonderful works.
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