 Tiens, Prokofiev a écrit des Quatuors à cordes ! Comment expliquer que ces deux œuvres furent si peu défendues, y compris par les quatuors russes ? L’alacrité inquiète derrière le clair classicisme de l’écriture qui parcourt le Premier Quatuor pourra surprendre. Elle est le résultat d’un désiderata de la Library of Congress, qui demanda au compositeur une partition autographe pour des instruments à cordes. L’auteur de "L’ Ange de feu" releva le gant, et fit ses classes de quatuor en s’immergeant dans ceux de Beethoven. Cela s’entend parfois, jusque dans l’harmonie, mais les Pavel Haas préfèrent en exalter les audaces rythmiques, la verve revigorante, laissant les micro citations pour ce qu’elles sont, des anecdotes face au discours mélodique savoureux, au panache rythmique. Prokofiev ne reviendra au quatuor qu’une fois de retour en URSS, et à nouveau pour une gageure ; puisqu’il fallait écrire de la musique mettant en valeurs les mélodies des peuples des Républiques, il s’empara de thèmes kabardes, se jurant bien de les magnifier dans l’appareil le plus classique de la musique savante occidental, le Quatuor. Au risque de tirer parfois un peu à la ligne, ce que les Pavel Haas, par leur jeu plein de caractère bousculent. Au centre du disque une œuvre radicale, elle aussi, trop rarement enregistrée, la Sonate pour deux violons (1932), pensée pour Robert Soetens et sa Société de musique Triton (qui la créa avec Samuel Dushkin, excusez du peu, lors d’un concert parisien). Veronika Jaruskova et Eva Karova en ardent les épineux combat d’archets, mais chantent aussi ses mélodies fragmentées, illustrant les deux faces d’une œuvre résolument moderniste. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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