 La maitrise de l’instrument, le beau son, l’ange plutôt que le diable, ou plutôt le diable à travers l’ange, voilà bien ce que sont devenus au disque depuis la gravure de pure perfection de Michael Rabin les "24 Caprices" de Paganini. Quitte à les réduire à des exercices de bravoure, on les aura progressivement vidé de leur souffre. Seul Devy Erlih les fit soudain expressifs et saisissant, tentative vite masquée par des virtuoses se posant en autant de narcisses : s’entendre dans ce grimoire, acmé ! Baste, Alina Ibragimova ose une lecture acerbe, fantasque, grinçante, c’est le violoneux d’Hoffmann qui s’invite chez Paganini, l’archet mordant les cordes, les sonorités de vielle de son Anselmo Bellosio capturant des couleurs et des rebonds qui font les caprices infiniment surprenants, littéralement je ne les ai jamais entendus ainsi, non pas relus, mais découverts. Inutile de dire que devant la singularité du propos on ne pense plus un instant à la virtuosité, j’écoute ces musiques où se résume l’histoire d’un instrument toujours associé au diable depuis Tartini, comme si Paganini avait enclos dans ce cahier dont les inventions poétiques fulgurantes produisent une virtuosité autant intellectuelle que digitale, toute une part de l’histoire de l’instrument qui allait mourir avec lui. Fascinant itinéraire, qui atomise une discographie abondante, souvent somptueuse, mais jusque là univoque. (discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles hoffelé)

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