Le chef d’orchestre Rafael Kubelik (1914-1996), né Tchèque mais naturalisé Suisse en 1967, a connu une des plus belles carrières mondiales de direction à une époque où les orchestres n’avaient pas encore pris la regrettable habitude de se plier aux caprices de chefs volant aussi fréquemment et rapidement que vainement aux quatre coins du monde. Fils, parmi sept autres enfants, du violoniste virtuose Jan Kubelik (1880-1940), Rafael commença sa carrière à Prague en 1937, puis à Brno, avant de s’exiler en 1948 lorsque son pays passa sous l’emprise soviétique. Il la développa ensuite à Chicago, Londres, Vienne avant de prendre la tête, de 1961 à 1979, de l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion Bavaroise. Il y succède à Eugen Jochum, précède Colin Davis, Lorin Maazel, Mariss Janson et actuellement Simon Rattle. Il déploya dans cette activité une variété d’intérêts et de goût qui, de Palestrina à Britten, Hartmann ou Henze, dépoussiéra le lustre de l’institution. À côté de Dvorák, Smetana ou Janacek, Beethoven ou Berlioz, Mozart était un de ses dieux. Lorsqu’il revint à Munich en mai 1985, déjà affaibli par l’arthrite, les deux programmes qu’il dirigea furent d’ailleurs intégralement consacrés à Mozart. Ce sont ses deux dernières symphonies, si esthétiquement différentes en elles-mêmes, captées en public le 10 mai 1985 à l’Herkulessaal de la Résidence de Münich, que nous retrouvons ici dans des interprétations superlatives. La Symphonie en Sol mineur adapte sa tonalité dramatique à la facture des quatre mouvements qui la composent. Celle en Ut majeur, « Jupiter », se signale par une succession de rebondissements thématiques, rythmiques, dynamiques et timbriques que la science du chef porte à leur apothéose. Bonheur de retrouver ces enregistrements historiques déjà mémorables. (Jacques-philippe Saint-Gerand)
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