Sur le beau tableau de famille de della Croce tant de fois reproduit, et notamment sur le livret de ce CD, on peut voir, outre le père Léopold tenant son violon, et la mère Anne-Marie (décédée en 1778 à Paris) en médaillon au mur, Wolfgang jouant à quatre mains avec sa sœur Nannerl, à leur domicile salzbourgeois, en 1780-1781. L’instrument est clairement pourvu de deux claviers, ce que met en exergue d’ailleurs le croisement des mains des deux exécutants. On connaît même la date de son achat par Léopold, en 1770, ainsi que le nom du fabricant : Christian Ernst FRIEDERICI, de Gera. Mozart a été toute sa vie beaucoup plus familiarisé avec le clavecin et son jeu, qu’avec celui du nouveau pianoforte, contrairement à ce que porterait à croire une vision du compositeur largement répandue par une iconographie, une littérature et une filmographie visiblement peu informée. Un certain nombre d’œuvres tardives de Mozart portent l’indication manuscrite « cembalo primo e cembalo secondo » (KV521 et 501). Mozart n’acheta lui-même un pianoforte qu’une fois installé à Vienne, entre 1783 et 1785 (presque certainement le pianoforte Walter de 1784 conservé au Mozarteum à Salzbourg). Les pianofortes expérimentés par lui plus tôt ne rencontraient visiblement pas son adhésion. On sait avec certitude qu’il donna un concert en solo sur un clavecin en 1787 à Prague. Et qu’il exécuta son célèbre concerto « Couronnement » (KV 537 en ré majeur) à la Cour de Saxe à Dresde le 14 Avril 1789 sur le même instrument. L’enregistrement de ces œuvres à quatre mains sur un clavecin est non seulement tout-à-fait pertinent, mais il est également historiquement absolument exact, l’andante avec variations en sol majeur indiquant sans aucune équivoque l’instrumentarium requis.Les amoureux de Mozart reconnaîtront ici des œuvres aimées dans une sonorité limpide débarrassée de la lourdeur des pianos modernes, les découvreurs ne pourront être que séduits par la clarté retrouvée de la polyphonie dans une œuvre dense comme la Fantaisie en fa mineur, et par l’alacrité éclatante des mouvement vifs de ces célèbres sonates. Une magnifique réalisation, qui devrait être suivie et imitée, due à deux talentueux clavecinistes italiens, qui signent ici leur premier enregistrement commun, réalisé dans une belle villa historique sicilienne en août 2013. (Jean-Michel Babin-Goasdoué) The first editions of the sonatas of Mozart, including those for violin and pianoforte, often bear the French indication, Sonates pour le Clavecin ou Forte-piano. This is usual still at the start of the following century, however it is often the case that the inclusion of both instruments in the title is for obvious commercial reasons only (it will occur even with the opus 13 of Beethoven); but indicative of the interchangeability between harpsichord and fortepiano, on the other hand, is the extremely frequent use at that time of the term Klavier, which indicates a generic designation for keyboard instrument. If, leaving the title aside, the “pianistic” intent of Mozart’s works appears clear in any case from a certain point onward, due to the type of notation and the dynamic indications, it is instead certain that for a good part of Mozart’s earliest sonata production performance on the harpsichord is not only perfectly pertinent and philological but, and above all, gives assuredly the right musical effect.
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