Dans le cycle Mahler impeccable qu’engrange Adam Fischer à Düsseldorf, son "Lied von der Erde" ne sera pas venu à propos. La faute ne lui en incombe pas, sa lecture fluide, élégante, d’une légèreté de touche divine, indique assez qu’il a sa vision de l’œuvre, comme détachée des ombres, et qu’elle n’est pas si commune dans une discographie pourtant surchargée. Il parvient même grâce à ses élans, à anoblir le chant de Stuart Kelton qu’on a connu plus plébéien, mais pouvait-on se douter qu’il serait la meilleure des deux voix que veut "Le Chant de la Terre" (même si Jonas Kaufmann a cru pouvoir être les deux) ? Las ! Anna Larsson, grand alto qui aura enflammé de son parlando inspiré Le "Chant de la Terre" de Claudio Abbado (dont j’espère toujours la parution) est ici défaite, de timbres, de mots, et ruine ce que les amoureux de ce cycle voudront tout de même écouter d’un orchestre si stylé, si tenu, si accompli. Oui, il faut qu’Adam Fischer nous refasse son Lied, quoi qu’il en coûte. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) S’agit-il d’une symphonie avec voix en six mouvements ou d’un cycle de six lieder ? Comment équilibrer la partition dont le dernier lied, Abschied, dure à lui seul presque autant que les cinq autres réunis ? Adam Fischer réussit à unifier toutes les parties grâce à un orchestre très expressif dont les couleurs sont creusées avec beaucoup d’idées et d’engagement. Der Einsame im Herbst ainsi que Von der Jugend, respectivement les deuxième et troisième mouvements, jouent avec saveur, des atmosphères colorées par les “chinoiseries” à la mode au début du XXe siècle. Héroïque dans l’introduction, le ténor doit devenir lyrique dans le troisième lied ! Un véritable défi que peu d’interprètes dominent. Après ses lectures dans la même œuvre, sous les baguettes de Tilson-Thomas à San Francisco puis d’Ashkenazy à Sydney, l’australien Stuart Skelton pousse, ici, sa voix au maximum. Il entre avec difficulté dans l’écrin sonore que lui offre l’orchestre d’Adam Fischer. En revanche, la grande mahlérienne suédoise, Anna Larsson, réussit une belle performance. Si la prononciation a un peu perdu de sa précision – comment oublier ses prestations aux côtés d’Abbado, Chailly et Gergiev ? - le timbre est demeuré magnifique. Le lyrisme du finale, Der Abschied, est profondément touchant. (Jean Dandrésy) Das Lied von der Erde is shot through with a special atmosphere: a mood of farewell – mostly, of course, in the last movement, Der Abschied. When attempting to construct that last movement, every conductor and every orchestra are faced with a challenge that is as complicated as it is thrilling. In my view, the last movement of Das Lied von der Erde is the most difficult one to conduct in the entire repertoire. Mahler even abandoned the sensation of regular metre. He had stated elsewhere that one should not conduct the metre but the rhythm, but here things are different. Toward the end of the last movement, the 3/4 bars seem to lose contact with the ground and start to float in midair; hardly any points of reference are left for the musicians to remain together. This truly is life in the process of dissolving. When we grow old and sick, we are alone, and things start slowly grinding to a halt. I cannot disassociate this farewell from the last movement of Mahler’s Ninth Symphony. Although the slow dissolving of life is even more apparent there, the tendency is already clear in Das Lied von der Erde – a continuous line can be drawn from here to the last page of the Ninth. From the onset, the music in Das Lied von der Erde is permeated by a special mood. Even the texts, based on Far Eastern poetry, are more mood than content. Mahler repeatedly abandons the words’ meaning, but the mood remains. The music implies so much more than the words! For instance, the third poem evokes the reflection of a mirror image in water, but I don’t see those images anywhere in the music. Mahler is not concerned with helping us understand every syllable. If the voice, in its anguish, is drowned out by the orchestra, that is what the music is trying to achieve. Throughout a great number of passages, “beautiful tone” is not what is important. To the contrary. In Das Lied von der Erde, the singers are likewise required to declaim, cry, and shriek. I think that even those concertgoers who have no command of the German language have no problem in gaining a quite precise grasp of what is going on.
|