Franz Schubert (1797-1828)
Suleika I, D 720
Suleika II, D 717
Lieder "Der Mignon", d'après Goethe

Johannes Brahms (1833-97)
Deux chansons pour voix, alto et piano, op. 91
Huit Zigeunerlieder, op. 103

Modest Moussorgski (1839-81)
Kinderstube

Piotr Ilyitch Tchaikovski (1840-93)
Lieder russes choisis

Marjana Lipovsek, mezzo-soprano
Elisabeth Leonskaja, piano
Thomas Riebl, alto

Marjana Lipovsek, diva des scènes lyriques, fut, un peu à la manière des anciens monstres sacrés - je pense à Jennie Tourel, à Mascia Predit – une récitaliste impénitente. Moins polyglotte que Tourel, elle était chez elle à égal aisance dans les langues de Goethe et de Pouchkine. Son récital pour l’édition 1987 du Festival de Salzbourg m’étonne sur un point : elle incarne avec une imagination assez insensée les Enfantine de Moussorgski mais les donne en langue allemande, dans la traduction d’Hans Schmidt. C’est qu’elle met tant d’exactitude au sens des mots qu’elle aura voulu les rendre audibles à un public d’abord germanophone. En Russe, six Tchaikovski sont simplement irrésistibles et pas seulement la Sérénade de Romanow, trop peu pour le versant slave dont Lipovsek fut une interprète du calibre d’Arkhipova. On se consolera en allemand avec toute la première partie du récita, transcendante par l’ampleur du chant et le choix des œuvres : chez Schubert seulement Goethe, et quel ! Suleika, Mignon, ligne sculptés, mots de prophétesse, comme le Lied peut être grand dans une grande voix qui ose le murmure (Nur wer die Sehnsucht kennt). Chez Brahms, les deux Berceuses où son timbre se love et se mordore dans l’alto de Thomas Riebl avant d’enflammer les Zigeunerlieder les lançant sur le piano altier d’Elisabeth Leonskaja, y mettant un élan plus trouvé depuis Jurinac, c’est dire ! Quatre bis qu’elle annonce entrainant fou rire du public et applaudissements, ouvert par Die Nacht où le timbre vole, terminé par Seligkiet pour revenir à Schubert, et conclure sur un sourire. La femme n’a jamais cessé d’être espiègle et heureuse, la chanteuse, toute mezzo, absolument solaire. Prodigieux récital d’une artiste qu’il ne faut pas oublier ! (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)