György Kurtág (1926-)
Fragments de Kafka, op. 24, pour soprano et violon

Susan Narucki, soprano
Curtis Macomber, violon

Composés en 1986 par le compositeur Gyorgy Kurtag pour le duo atypique voix/violon, les "Kafka Fragments" furent créés l’année suivante en Allemagne par deux interprètes hongrois : la soprano Adrienne Csengery et le violoniste Andras Keller. Il s’agit d’un cycle en deux parties comportant quarante mouvements d’une durée d’1 à 7 minutes basé sur des fragments de lettres et de journaux de Kafka qui fut, on le sait, un grand épistolier. Une grande variété d’affects s’y exprime : angoisse, impuissance, douleur, nostalgie, absurdité mais aussi joie solaire, humour et visions extatiques. Quelques mots, quelques notes suffisent pour générer une expression dense et profonde. Les deux textes, littéraire et musical, fusionnent d’une façon aussi naturelle que pensée dans un dialogue permanent et jamais redondant. Voix et violon s’accordent à l’unisson ou se disloquent de façon brutale selon le contenu sémantique des fragments mêlant le rêve, le souvenir et une expérience phénoménologique du réel. On reconnaît çà et là quelques bribes de mélodies, de formes (Sicilienne, choral…) et un recours au sprechgesang et à la déclamation. Même si le jeu et la technique du violon ont ici un rôle conséquent, la chanteuse/diseuse doit déployer toute une gamme expressive allant du sourd pianissimo au cri guttural même si ce n’est pas du Berio (avec Cathy Berberian). Dès le début du cycle, l’auditeur pourra être déstabilisé par la juxtaposition des séquences et on lui conseillera de commencer par la fin du cycle (Es blendete uns die Mondnacht…) tout en se reportant aux textes inclus dans la notice. Le duo Susan Narucki / Curtis Macomber interprète ces "Kafka Fragments" sur un mode ludique (cher au compositeur) comme s’il nous racontait une histoire (de fou !), sobrement mais avec l’éloquence requise. Le poids des mots le choc des… notes ! (Pour reprendre la célèbre formule de Paris-Match). (Jérôme Angouillant)

Grammy Award-winning American soprano Susan Narucki is one of today’s most committed advocates of the music of our time. Her deep and lasting working relationship with Gyo¨rgy Kurta´g dates to 1986, the year the Hungarian composer penned his iconoclastic chamber work Kafka Fragments. Susan instinctively imbues the work with the widely varied moods of anguish, longing and rage alongside humour, absurdity and ecstasy that the texts convey. Arranged over four sections, Kurta´g sets 40 extracts from the diaries and letters of the mercurial novelist Franz Kafka. Despite being his largest song-cycle, Kurta´g deploys his signature miniature style: many of the movements last less than a minute long. Joining Susan is one of today’s foremost interpreters of contemporary classical music, violinist Curtis Macomber. Together they prove to be the perfect proponents of Kurta´g’s idiosyncratic fusion of poetry and music.