Heinrich Kaminski (1886-1946)
Prélude et fugue sur le nom ABEGG, pour quatuor à cordes
Quatuor à cordes en fa majeur

Glenn Gould (1932-1982)
Quatuor à cordes n° 1

Minguet Quartett

Ulrich Isfort, violon
Annette Reisinger, violon
Aroa Sorin, alto
Matthias Diener, violoncelle

L’unique quatuor à cordes de Glenn Gould, son opus 1 (il ne publiera jamais d’opus 2 d’ailleurs), est une page surprenante en un seul mouvement d’une trentaine de minutes. Surprenante car le pianiste y livre en 1955 un somptueux poème post-romantique où passent les ombres de Bruckner, Schoenberg (celui de la nuit transfigurée et de l ‘opus 7 dont la coulée monolithique a sans doute servi d’exemple à Gould) et Strauss. Que nous sommes loin des variations Goldberg qui demeurent son œuvre emblématique en tant que pianiste. Il faut oublier tout ce que nous savons de l’auteur pour savourer pleinement cette partition qu’on imaginerait plutôt écrite à Vienne juste avant la grande Guerre. C’est d’ailleurs d’un quatuor de Kaminski, ce musicien allemand mis à l’index par les nazis, écrit en 1913 que ce CD le rapproche. Par sa concision et son âpreté, l’œuvre évoque plutôt la musique de chambre de Pfitzner, tandis que par sa tension furieusement énergique, le prélude et fugue sur le nom d’Abegg de 1931 montre que le professeur de Carl Orff n’était pas sourd aux évolutions stylistiques de son temps. Familiers de ce style exigeant, les Minguet poursuivent l’exploration du répertoire allemand du XX° siècle après les quatuors de Braunfels. Y associer Glenn Gould se révèle tout sauf un contresens. (Richard Wander)

Outwardly there are no similarities between Glenn Gould (1932-1982) and Heinrich Kaminski (1886-1946). In fact, however, many lines of connection can be discovered beneath the surface, which form the concept of the present album. First of all, we observe in the Canadian exceptional pianist the same creative seriousness that the German post-Romanticist displayed. In this regard, Gould's singular Opus 1, despite its compositional rigor and the fascination that serial music held for the mid-twenties pianist at the time, has become an indulgent building in a movement that moves "against the grain" back into the same sonic world previously inhabited by such figures as Richard Strauss and Gustav Mahler. This period was also home to the pronounced individualist Kaminski, to whom any frivolity was alien, because he always felt composing to be a spiritual act of creation. Something of the incessant search for the secrets of the tonal universe can already be sensed in the classical four-movement String Quartet in F major of 1913, with which the end of the apprenticeship years had come: large formats up to the drama would follow, but also "small" scores such as the Quartet Variations on the Name ABEGG (1931), all of which Kaminski "conquered" to a certain extent in the course of his life. It is an exhausting path. Those who are able to walk it fully are rewarded by the joy of creation. Glenn Gould, after a promising attempt, deprived himself of this joy. He found another in others.