 Les deux cahiers de Concertos que Jean-Marie Leclair écrivit à son usage sacraient le règne absolu de l’instrument italien qui, dans le répertoire français, avait supplanté la viole. La virtuosité folle, l’archet acrobatique, la main gauche agile et ferme, tout installait de nouveaux standards techniques dont les Douze Concertos célèbrent les fastes avec une fantaisie, une liberté, des audaces qui voguent entre Italie et France (lorsque les imitations de musette paraissent comme dans le Largo de l’Opus 10 N°5), nouveau concerts des Gouts Réunis. Leclair ne fut pas seul pour cette révolution parisienne, Pierre Guignon lui disputa souvent la primauté, leurs concerts en joute sont restés célèbres, mais le génie de Leclair dominait toujours, dans ces Concertos comme,à l’Opéra, où Scylla et Glaucus aura sacré la seconde apogée de la Tragédie lyrique. Les Concertos connurent une fortune modeste au disque, Jean François Paillard le premier les distribua à Huguette Fernandez et à Germaine Raymond, y revint pour la stéréophonie avec Gérard Jarry, à l’ère moderne, Jaap Schröder, en pionnier, donna un relief saisissant à trois Concertos avec son ensemble d’Amsterdam, avant que Simon Standage impose à l’intégrale un modèle un rien trop classique, Fabio Biondi lui répondant pour une sélection en des termes équivalents. Le paysage changea radicalement avec un disque divin de Monica Huggett et l’Opus 7 vivement enlevé par Luis Otavio Santos et les Muffatti. Coda de ces relectures brillantes et historiquement informées, l’intégral de Leyla Schayegh chez Glossa, virtuose et impertinente. Celle que propose ici Igor Ruhadze et ses Violoni Capricciosi n’est en rien sage ou scolaire comme j’ai pu le lire ici où là, elle fuse souvent dans un jeu qui prends tous les risques, montre bien du caractère dans les finals en gigue ou les musettes, mieux, si elle fait un Opus 7 brillant, ce que le recueil appelle, il me semble que son Opus 10, moins prisé des violonistes – plus complexe, plus français avec ses nombreuses références aux danses – trouve toujours le ton juste, un peu nostalgique, avec des élégances qui anticipent sur le classicisme de Mozart, si bien que l’intégrale s’ajoute à une discographie peu abondante, offrant au sein de celle-ci un angle singulier d’où ces admirables concertos se voient et s’entendent d’une façon différente. (Jean-Charles Hoffelé) L'apprentissage de l'écriture pour violon, passa, pour J.-M. Leclair, par la danse — art aristocratique par excellence sous Louis XIV et Louis XV. Évolution naturelle : tout maître à danser maniait la « pochette » ou violon miniature. Leclair, maître de ballet à Turin et à Paris fréquenta nombre de hauts lieux musicaux et perfectionna son jeu violonistique auprès de Somis, de Locatelli et de Chéron. Le plus italien des compositeurs français — « tout annonce en lui le Corelli de la France » disait Blainville — alliait idéalement virtuosité et modération et incarnait la quintessence de l'équilibre entre les idiomes musicaux des deux pays. Il laissa, pour l'essentiel, des recueils de sonates pour violon(s), et deux collections de 6 concertos. Son écriture, particulièrement raffinée, d'une grande richesse dans les voix intermédiaires, d'une ciselure extrêmement délicate notamment dans l'aigu de l'instrument, combine et oppose une multiplicité de couleurs et d'affects et exige des qualités techniques et une inventivité considérable en matière d'ornementation de la part des interprètes. Cette intégrale paraît en même temps que le deuxième tiers de celle de Leyla Schayegh. Ruhadze s'avère moins original, plus italien et moins français, moins polysémique et fouillé que Schayegh. Sans démériter, son propos est plus convenu, sa brillance plus conforme à un horizon d'attente « moyen » : donc plus vivaldienne. Basses plus dégagées, pupitres autres que le violon solo peut-être plus individualisés que chez Schayegh, mais au détriment de l'alchimie poétique qui, chez cette dernière résulte, d'un fondu subtilement obtenu, sans pour autant sacrifier l'aspect rauque, tourmenté voire parfois dramatique. Cette interprétation ne manque pas de charme, mais reste un peu sage, prudente, extérieure. (Bertrand Abraham) After their internationally acclaimed recordings of sonatas and concertos by Pietro Locatelli, Ensemble Violini Capricciosi and their founder/director Igor Ruhadze turn their attention to his most talented pupil, Jean-Marie Leclair. The stylish idiom and sensivity of this period string ensemble’s previous recordings for Brilliant Classics has won wide critical praise. Concerning their 5CD set of Locatelli’s Sonatas Opp. 8 & 12: ‘Brilliant’s collection should prove a most enjoyable, most entertaining, and, at times, moving experience… Strongly recommended, therefore, across the board’ (Fanfare, July 2013). ‘The Ensemble Violini Capricciosi, founded and led by Igor Ruhadze, who have bravely taken up the cause of performing the virtuoso violin repertory on period instruments, emerge from these recordings as fine advocates… The exuberant Op. 8 sonatas are here brilliantly and at times breathtakingly performed’ (Gramophone, December 2012). Born in Lyon, Leclair (1697-1764) travelled widely as a young man thanks to his prowess as a violinist, dancer and lacemaker. He created a sensation in Turin as well as Rome, and then on a visit to the German town of Kassel he met the foremost Italian violinist of the age, Pietro Locatelli. Leclair’s own music became even more virtuosically refined thanks to the influence of Locatelli, who became the dedicatee of his first set of concertos, Op.7. Having taken up and then left a prestigious post at the French royal court, Leclair encountered Locatelli once more in Amsterdam, but he soon moved on and lived a somewhat restless life, murdered outside his front door, probably by his nephew. Leclair’s music reflects his cosmopolitan life, but for all his deep familiarity with Italian music, Leclair remained French to the core. His technical prowess never descends into mere virtuosity for its own sake, making his music a telling embodiment of ‘les Goûts réunis’, or the ‘reunited tastes’ of French and Italian styles, which became an aesthetic rallying-cry for the age.
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