 Les révisionnistes du répertoire allemand non sériel du XXe Siècle auront épargné tant bien que mal de leurs anathèmes Boris Blacher, Karl Amadeus Hartmann, Hans Werner Henze et même Werner Egk, mais ils eurent toujours la dent dure contre Gottfried von Einem. Sa naissance en Suisse n’aura pas suffi à l’épargner, sa situation privilégiée au Festival de Salzbourg puis à l’Opéra de Vienne pour lesquels il écrira plusieurs années durant quelques ouvrages lyriques particulièrement bien troussés, abordant tous les genres, du drame historique ("Dantons tod", 1948, Cebotari chante Lucille Desmoulins, Fricsay dirige) à la satyre sociale de "Die Bsuch von der alten Dame" (avec la prise de rôle de Christa Ludwig, inoubliable Claire Zachanassian) en passant par "Der Prozess" où Max Lorenz sera un génial Josef K, avivant encore l’appétit des censeurs. Cornelius Meister n’a rien à faire de ces oukases, qui nous offre aujourd’hui un plein disque où tous les visages de Von Einem paraissent, du dramaturge de Dantons Tod résumé dans une suite d’orchestre cousue main à la lyrique mahlérienne du Nachtstücke, en passant par l’exercice néo classique du Concerto pour piano, Konstantin Lifschitz ne retrouvant tout de même pas le toucher pince sans rire de Gerty Herzog, inoubliable avec Fricsay. Le plus beau vient à la fin du disque, cette Suite du ballet Medusa écrit pour l’Opéra de Vienne, finement démarquée de Stravinski. Et si demain, pour Orféo, Cornelius Meister poursuivait chez Gottfried von Einem ? Son Kabale und Liebe viennois (l’enregistrement de la création avec Anja Silja et Christoph von Dohnanyi existe !), sa Prinzessin Turandot, ballet cruel écrit pour Dresde en 1944, son scandaleux opus ultime pour la scène, « Jesu Hochzeit » (Vienne, 1980), attendent toujours leurs premières au disque. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Gottfried von Einem est surtout connu par ses opéras, notamment "La Mort de Danton" (1947, d'après Büchner) ou "Le Procès" (1956, d'après Kafka) et cet album permet de découvrir d'autres aspects de son œuvre qui reste peu enregistrée. De grands interprètes ont défendu cette œuvre – Böhm, Ormandy ou Cluytens et surtout Ferenc Fricsay – Cornelius Meister poursuit ici brillamment leur œuvre. La suite tirée de La Mort de Danton nous fait découvrir l'habileté du compositeur pour raconter une histoire et installer des climats. Le concerto pour piano (1955-6), commandé par Dimitri Mitropoulos et dédié à Alma Mahler, sait allier les héritages du post-romantisme et de l'école de Vienne avec la musique du temps dans une langue originale. Le Nachtstück (1962) n'est pas sans évoquer les grands adagios mahlériens, même habillé d'une ironie "alla" Stravinski. Usant d'un langage direct, fait de puissance, d'expressivité et d'un presque brin d'ironie, la suite du ballet Medusa (1957) finit par imposer l'art polymorphe d'un compositeur qui reste encore à découvrir. Les interprètes sont des plus convaincants et donnent envie d'en découvrir plus. (Marc Ossorguine)

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