 Nous ouïmes Sempé (dessinateur en écoutant du jazz) raconter ce dîner parisien en ville. Arrivé tôt, il se met au piano, ânonne un thème de son idole Ellington. Soudain un invité insoupçonné se glisse furtif à sa gauche : c'est très bien, continuez, je vous accompagne. C'était justement Lui, et tournée du grand Duke ! Lequel ne fut jamais qu'un génie sapé de toute l'élégance humaine, par lequel selon Boris Vian la vie valait d'être vécue, n'ayant pour rival non ducal qu'un comte encore plus pianiste décisivement laconique que lui, Count Basie. Et qui à la fin se tourna vers la musique religieuse, dans le deuil de sa femme, de son complice Billy Strayhorn, de son fidèle saxo Johnny Hodges, sans parler de son propre cancer. En somme, le maître opérant à l'office, un office mâtiné de la tradition du gospel, grande messe en si qui aurait le blues, ou cantate autour de la note bleue, avec son récitant évangéliste, et les paroles d'une turba chaloupée (non traduites en français dans le présent livret, maladie désormais des labels allemands). On s'en console notamment (weinen, klagen...), parmi d'autres interprètes ici très inspirés, par l'excellence du saxo baryton. Oeuvre majeure en tout cas, qui fut au compositeur (qui y voyait sa plus belle réussite) comme le fameux God Book à Louis Amstrong, cette fois-ci parfaitement servie (ce swing de Ain't The One, ce purement instrumental The Shepherd...) par un ensemble allemand survolté, d'autant que capté en plein concert (applaudissements compris). Prière d'un grand seigneur à encore plus Seigneur que lui, musique sacrée sur rythme de claquettes (tap dance), et dont qui voudra fera sa bible. Sachant toutefois – ce n'est dit nulle part au néophyte ! – qu'on ne nous donne là qu'une anthologie des deux premiers parmi les trois concerts sacrés composés entre 1965 et 1975. Textes compris (ils sont aussi d'Ellington), avec quelque écho de la campagne sur les droits civiques des années soixante (d'où ce mot liberté qui déflagre dans It's Freedom). (Gilles-Daniel Percet)  The most important thing I've ever done – this is how Duke Ellington thought about his Sacred Concerts for choir, soloists and big band. With these three concerts, of which many songs have since become standards, the grandmaster of jazz made history. Duke Ellington conceived his Sacred Concerts between 1962 and 1973 and they resemble a wonderful musical autobiography of the composer. Only very few jazz musicians were able to fill their music with such strong emotions as Ellington could. Both happy moments and strokes of fate have their share in the Sacred Concerts. Above all, Ellington's unshakeable confidence in God makes the Sacred Concerts a very personal creed. Duke Ellington is considered one of the fathers of the big band sound and shaped this genre like no other: down to the present day, jazz orchestras around the world have been trying to emulate the so-called Ellington Effect. The Fette Hupe big band, which has been committed to Ellington's style for a long time, joined forces with the Junges Vokalensemble Hannover, a perfect partner for staging the monumental Sacred Concerts with all their original power and expressiveness. With this very rarely recorded cycle, Fette Hupe and the Junges Vokalensemble Hannover close an important gap in the repertoire.

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