Le crayon et le pinceau. Steven Osborne bouclant son intégrale Debussy menée avec patience aborde les Etudes comme un paradis sonore, couleurs jetées à baquet comme dans l’abondance faussement désordonnée d’une toile de Bonnard, échappées belles lyriques que des mains infiniment mobiles, des poignets souples décorent d’infinies nuances qui jamais ne distendent les rythmes. Tout cela dans un Steinway si opulent et si véloce, confine à un érotisme qu’avait déjà illustré avec cette même magnificence Joseph Moog. Ce sont les études du Faune, lascives, sensuelles, flamboyantes, et soudain mystérieuses pour les échos des Sonorités opposées où rode un clairon fantomatique dans des écharpes de brumes. Admirable version, qui ajoute après celle de Philippe Bianconi un autre disque majeur consacré à cet opus fondateur du piano moderne. Steven Osborne donne aussi l’Etude retrouvée par Roy Howat en coda d’un album où il magnifie en trois poèmes poudreux ou fulgurants "Pour le piano", raffine La Plus que lente, et ose une lecture au noir, quasi tragique de la "Berceuse héroïque". (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé) Quel beau piano et, qui plus est, magnifiquement enregistré ! Dans ces pages, le pianiste anglais grand amoureux du répertoire de la musique française joue de toutes les variétés d’un toucher qui sait "respirer". L’interprète recherche avant tout des contrastes forts, montrant que les Etudes transcendent de loin leur nécessité pédagogique. Sa lecture est tout sauf minimaliste ou en quête d’un équilibre aussi subtil qu’il en deviendrait ennuyeux. Tout bouge dans cette version presque charnelle. Debussy y aurait apprécié la dimension de "plaisir" si chère à ses yeux, dans sa musique. L’émotion y est toujours bouillonnante, mais sans orgueil tapageur ou, à l’opposé, de fausse pudeur. On ne reprochera pas à Osborne un jeu sobre, tiède ou distant ! Il "orchestre" ses études avec un toucher d’une flexibilité et d’une précision parfaites. On sursaute à l’écoute de "Pour le piano" qui a rarement paru aussi clairement lumineux. L’énergie affleure dans toutes les phrases. Et que dire de la Toccata conclusive… Le charme n’est jamais absent, mais sans la moindre surcharge émotive à l’instar de La plus que lente. La "Berceuse héroïque" et sa belle procession (Debussy la composa en 1915 en hommage aux morts innombrables) est jouée avec une force simple. (Jean Dandrésy)
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