 "Jouez ceci, et ça sonnera comme si vous improvisiez". Plutôt que de confier à des amateurs plus ou moins compétents le soin de réaliser, à partir de ses sonates, des variations improvisées, comme c'était alors la mode, Carl Philipp Emanuel Bach préféra les écrire lui-même : ses interprètes étaient davantage assurés de susciter les applaudissements. Quand en 1760 il dédie ses 6 sonates (Wq 50) "avec reprises variées" à la princesse Anna Amalia de Prusse, sœur cadette de Frédéric II, le "Bach de Berlin et de Hambourg" sait pourtant que celle-ci, excellente claviériste, reste attachée à la stricte écriture contrapontique de la génération précédente, et juge sévèrement ses contemporains. Mais le talent de Bach lui attire son indulgence. Lui-même, sans avoir renoncé tout à fait à la polyphonie de la musique de son père, contribue à la consolidation du style galant, tout en le dépouillant des manières superficielles de la cour de Berlin. On sent chez lui un parfum de la sensibilité pré-romantique. Et ces six sonates, techniquement virtuoses, démontrent une éblouissante richesse mélodique, ainsi qu'une grande sensibilité. Citons notamment le poignant larghetto en sol mineur de la Wq 50/5 ; la Wq 50/6 en ut mineur, avec son écriture incisive, trouée de silences, ses motifs fébriles, ses oppositions dynamiques... Le claviériste Tom Beghin, spécialiste du clavicorde (instrument préféré de C.P.E. Bach) et de la musique du XVIIIe siècle, nous les fait magnifiquement sonner. (Marc Galand)  Carl Philipp Emanuel Bach’s Sonatas with Varied Reprises (comp. 1758–9, publ. 1760) constituted a bold experiment. Spelling out every repeat, Bach applies to each the art of variation. Starting off as a service (“play this and you’ll sound as if you’re improvising”), the opus ends up a masterclass in variation. Tom Beghin, playing his own beloved clavichord, enacts the role of the keyboardist- composer who repeats himself, while never saying the same thing twice.
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