 On dirait un bouquin vieux et usé dégotté dans une brocante de province et c'est pourtant un objet d'une valeur exceptionnelle datant du quinzième siècle (vers 1470) et comportant cinquante compositions manuscrites signées Walter Frye, Johannes Ockghem, Antoine Busnois, Firminus Caron et autres musiciens anonymes franco-flamands dont douze œuvres inédites ne figurant dans aucun recueil existant à ce jour. Ce recueil dit « Chansonnier de Louvain » (Son lieu de conservation) fit l'objet d'une série de concerts à Anvers par l'organisation Alamire où l'intégralité des pièces fut donnée par différents ensembles (Huelgas, Leones, Park Collegium) et de cette parution discographique, fruit du travail de l'ensemble Sollazzo. Même s'il ne s'agit ici que d'une infime partie du recueil, cet enregistrement de quatorze chansons dont la moitié provenant d'auteurs anonymes, convainc d'emblée par une approche simple et directe de ce répertoire (un accompagnement réduit à une traverso, deux vielles et un luth) et la qualité intrinsèque des voix (les excellentes sopranos Perrine Devillers et Yukie Sato et le ténor Vivien Simon). De la complainte (j'ay des semblans, je ne fays plus) à la danse (Henri Phlippet), instrumentistes et chanteurs ne méritent que des éloges. Quand authenticité rime avec simplicité. A noter un travail éditorial exemplaire, habituel pour ce label, et une notice pourvue des textes. (Jérôme Angouillant)  En 2015, un historien d’art, travaillant pour le compte d’un marchand d’oeuvres d’art, prit contact avec la Fondation Alamire à Louvain afin d’obtenir un avis concernant un petit manuscrit musical. Les premières recherches révélèrent qu’il ne s’agissait pas de n’importe quel vieux livre mais bien d’un chansonnier du 15e siècle jusqu’alors inconnu. Le Fonds Léon Courtin-Marcelle Bouché, géré par la Fondation Roi Baudoin, racheta le manuscrit en 2016 et le confia en prêt de longue durée à la Fondation Alamire. Comme le propriétaire original ne pouvait pas être identifié, on le baptisa Leuven Chansonnier (“Chansonnier de Louvain”), du nom du lieu de sa conservation actuelle. Le manuscrit est d’une valeur exceptionnelle. Il comporte 50 compositions : une oeuvre religieuse en latin (l’Ave Regina celorum de Walter Frye), suivie de 49 chansons en français ne portant pas mention de compositeurs. Comme 38 de ces chansons se trouvent dans d’autres chansonniers d’époque, on en a pu attribuer 26 à d’éminents maîtres franco-flamands du 15e siècle tels que Johannes Ockeghem, Antoine Busnois, Firminus Caron, etc. Les autres chansons restent encore anonymes. Les recherches permirent également de déduire l’origine probable du manuscrit, à savoir la région de la Loire aux alentours de 1470-75. L’attention des chercheurs s’est tout particulièrement portée sur la découverte de douze chansons uniques, des oeuvres ne figurant dans aucun autre manuscrit connu à ce jour. En complément à la recherche académique, il s’avère important d’aller au-delà de la page manuscrite et de faire vivre la musique par cet enregistrement. Anna Danilevskaia, directrice artistique de l’Ensemble Sollazzo, décrit cela comme « un privilège de pouvoir jouer à nouveau ce répertoire inconnu » ; c’est « un sentiment exaltant d’être pionnier », mais il semble également paradoxal d’ « interpréter des chansons séculaires comme premières mondiales ». 7 En 2018, lors du festival de musique ancienne Laus Polyphoniae, la Fondation Alamire (Centre d’Excellence de l’Université de Louvain) et AMUZ (Festival de Flandre – Anvers) organisèrent un marathon de concerts unique comprenant les 50 compositions du Chansonnier de Louvain. Cette première mondiale fut interprétée par les excellents musiciens de l’Ensemble Leones, de l’Ensemble Sollazo, du Park Collegium et de l’Ensemble Huelgas. Par la programmation du Leuven Chansonnier, reconnu entretemps comme pièce maîtresse flamande, AMUZ fait honneur à sa renommée de centre international de musique suivant le principe de l’interprétation historiquement informée (Historically Informed Performance). AMUZ bénéficie d’un emplacement unique, idéalement situé au coeur d’Anvers, dans l’église Saint-Augustin. Ce patrimoine historique a été entièrement rénové pour en faire une salle de concert répondant aux standards contemporains, notamment au niveau acoustique. AMUZ, en tant qu’antenne anversoise du Festival de Flandre, y organise toute l’année des concerts et des activités culturelles, éducatives et scientifiques, devenant ainsi un véritable lieu d’ancrage où musique, architecture baroque et arts visuels contemporains se rencontrent. En tant que Centre d’Excellence, la Fondation Alamire a pour but de stimuler, coordonner et exécuter des recherches de la musique, à la fois académiques et orientées vers la pratique. Ses activités sont basées dans la Maison de la Polyphonie et dans la Library of Voices, deux bâtiments historiques de l’Abbaye du Parc à Louvain-Heverlee. Grâce à l’implémentation de méthodes de pointe, particulièrement en numérisation, la Fondation préserve, étudie et met en valeur le patrimoine musical des Pays-Bas du moyen-âge à 1800. Une attention particulière est portée à l’identification et à la mise à disposition de sources inconnues ou inédites. Le Chansonnier de Louvain est le parfait exemple de ce travail.

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