Le monumental Concerto pour piano avec chœur d’hommes de Ferruccio Busoni, l’un des plus grands esprits créateurs de la fin du XIXe siècle, mais aussi l’un des plus méconnus, dont la virtuosité pianistique démoniaque, égale à celle de Liszt, a en grande partie obscurcis ses mérites en tant que compositeur. Pietro Massa, tout comme le compositeur, d’origine italienne et ancien résident de Berlin, livre ici une version qui fera date.  Pietro Massa le hobbit parviendra-t-il à se débarrasser de l’anneau en le restituant à son maître au final (dans une invocation chorale à la puissance d’Allah) ? Tel Le Seigneur des Anneaux 50 ans plus tard, le concerto op. 39 (qu’on appellerait volontiers symphonie) achevé par Busoni en 1904 est un titanesque et héroïque fourre-tout dans lequel on peine à cheminer mais auquel on ne peut s’arracher. Commencée dans un climat incontestablement brahmsien, l’œuvre tire tout d’abord le piano du côté du Burleske de Strauss avant de le cantonner dans un « obligato » percussif et rythmique, souvent fiévreux et parfois belliqueux (la partition ruisselle d’arpèges, de gammes et d’épisodes marqués «con fracasso», «tumultuoso», «quasi con brutalità», «marcatissimo», «con strepito», «con fuoco», etc.). Si l’esthétique d’ensemble est datée (70 minutes, cinq mouvements, orchestre pléthorique, texte orientalisant), chaque mouvement possède sa propre couleur (mention spéciale pour le quatrième, All’Italiana, joyeusement iconoclaste). Les interprètes ne tremblent pas face au monstre et finissent par le terrasser, dans une des versions les plus lentes de la discographie. Le ton s’apaise avec le chœur final, laissant le public quelque peu médusé si on en juge par les applaudissements conclusifs. (Olivier Eterradossi)  Dante Michelangelo Benvenuto Ferruccio Busoni (né le 1er avril 1866 à Empoli en Italie et mort le 27 juillet 1924 à Berlin en Allemagne) était un compositeur, pianiste, professeur et chef d'orchestre italien. Busoni reste, parmi les compositeurs majeurs du XXe siècle, l'un des plus méconnus. La postérité a surtout gardé le souvenir du pianiste virtuose, oubliant le compositeur tout autant que le théoricien. Le théoricien a ouvert les voies à la destruction de la tonalité, mais le compositeur, inclassable, n'a pas osé suivre ce chemin et a préféré ramener la forme musicale au pur classicisme. De ce fait, son œuvre a subi l'ostracisme de toute une génération qui croyait que la révolution viennoise était l'unique voie de progrès. Le pianiste, égal de Franz Liszt, n'a pas cessé, quant à lui, de bénéficier dans les mémoires de cette « aura » de légende qui lui valut dès son vivant une célébrité incontestée.  Pour son deuxième CD chez Genuin, le pianiste Pietro Massa a une fois encore choisi de laisser un halo de lumière se poser sur son piano, tour à tour flamboyant, scintillant et resplendissant. Le titanesque concerto pour piano de Ferruccio Busoni, si rarement interprété, se révèle d’un bout à l’autre de l’enregistrement captivant et digne d’être écouté : depuis l’introduction dont l’ampleur et la limpidité pourraient être de Brahms, jusqu’à la transfiguration mystique du mouvement final avec le chœur d’hommes. Non seulement pour leur interprétation à la fois galvanisante et différenciée, mais également pour l’exploit d’avoir rendu une grande œuvre au public, Massa, la Neubrandenburgische Philharmonie et le chef d’orchestre Stefan Malzew ont mérité de grands éloges. Nous vous conseillons donc de tamiser la lumière de votre salon et d’augmenter le volume de votre chaîne, voilà de quoi vous délecter!
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