Harrison Birtwistle (1934-)
Gawain, opéra en 2 actes

Marie Angel, soprano
Anne Howells, mezzo-soprano
Richard Greager, ténor
Penelope Walmsley-Clark, soprano
Omar Ebrahim, baryton
Alan Ewing, basse
John Mardsen, ténor
Kevin Smith, contre-ténor
François Le Roux, baryton
John Tomlinson, basse baryton
Chœur du Royal Opera House
Orchestre du Royal Opera House
Elgar Howarth, direction

Il fallait le souffle symphonique d’Harrison Birtwisle pour relever le défi de mettre en musique ce conte noir tiré de la saga arthurienne. A la cour d’Arthur un chevalier propose à qui le veut de lui trancher la tète à condition qu’il subisse lui-même le supplice une année et un jour plus tard. Gauvain relève le gant. Décapité, le chevalier repart avec sa tète en rappelant le serment. Gauvain entreprendra un voyage initiatique sous l’influence de Morgane – c’est elle qui a introduit le Chevalier à Camelot – et de retour au château royal réalisera qu’il n’appartient plus au cercle des Chevaliers. Morgane a accompli son œuvre, l’unité de la cour d’Arthur est défaite. Opéra noir, enténébré dans une nuit constante, d’une tension incessante, et il faut bien l’avouer fascinant. Birtwisle y écrit un orchestre fuligineux, contraint ses chanteurs à un parlando diabolique, et l’œuvre s’écoute sans relâche, atelier d’un merveilleux de magie noire qui prends le pas sur la parabole. L’éditeur publie l’écho de la reprise à Covent Garden en 1994 – Salzbourg verra l’ouvrage en 2013 preuve que sa dramaturgie comme sa musique se sont imposées – alors que Marie Angel incarnait une Morgane vampirique à souhait et François Le Roux un Gawain rongé par le doute, confronté à une constante remise en question. Œuvre clef de l’opéra britannique contemporain, à découvrir (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)

Harrison Birtwistle est né en 1934 dans le Lancashire (nord de l'Angleterre). Son style musical est fondé d'abord sur les médiévismes caractéristiques de sa filiation avec Peter Maxwell Davies et l'école de Manchester. Plus tard, il s'oriente vers des formes sérielles complexes qu'il abandonne ensuite pour des processus informels de croissance, de progression dramatique basés sur la scansion et la pulsation, souvent à partir d'un motif simple. Une recherche de la structure, des rythmes, héritée de Stravinsky, des sonorité extrèmes typiques de Varèse, des cellules motiviques « rituelles » et les modes différents chers à Messiaen. Birtwistle montre un intérêt marqué pour les instruments à vent (il fit partie d'une fanfare dans sa jeunesse) d'où la présence importante des cuivres dans l'opéra Gawain (deux tubas) qui le rattache à la tradition anglaise. On sait par ailleurs la fascination de Birtwistle pour la tragédie antique, pour le théatre en général, le mythe, la pastorale et le folklore, ce qui explique le grand nombre d'œuvres scéniques présentes dans son œuvre. Birtwistle témoigne aussi de sa passion pour la peinture, Francis Bacon, Cézanne, Picasso et il s'inspire clairement des théories de Paul Klee sur la couleur et la ligne. Le parallèle entre la recherche picturale de Klee et le « graphisme » de la phrase musicale de Birtwistle est d'ailleurs explicite à l'écoute de l'opéra. Son langage est visionnaire dans le sens qu'il engendre des images, des lignes et des effets de couleurs. Gawain fut composé en 1991 sur un livret du poète britannique David Harsent. Il emprunte son histoire au poème épique anglais du Moyen Âge : Sir Gawain and the Green Knight. Le sujet de l’opéra puise sa source dans une des romances en vers les plus célèbres du Moyen Âge anglais. L'écoute de l'œuvre, intégralement (plus de deux heures) ou par morceaux (cinq tableaux) est une réèlle aventure musicale, tantôt ténébreuse et sombre (le climat général de l'œuvre) mais non dénuée d'humour et d'ironie (le claquement des sabots du cheval de Gauvain traduit part des noix de coco !). Les références autant sémantiques que musicales y sont multiples. On y décele des traits wagnériens : linéarité du discours mélodique, leitmotivs. La musique est d'une invention croissante, démultipliée. Cet enregistrement est la réédition par NMC du disque Collins Classics de 1996. La distribution est généreuse, largement britannique excepté notre Gauvain national : François le Roux qui réussit la double gageure de chanter anglais et juste et d'incarner un rôle exigeant. Le chœur et l'orchestre du Royal Opéra House sont à leur affaire. Elgar Howarth les dirige d'une battue impérieuse. Il prend son temps et n'omet aucun détail de cette partition lumineuse et bigarrée. (Jérôme Angouillant)

Gawain is perhaps the work that we are most frequently asked to release and it is great to finally get this modern classic into the NMC catalogue. Birtwistle's fascination with myth and ritual has infl uenced many of his works and this opera – with libretto by David Harsent, who also collaborated with the composer on The Minotaur – is based on the Arthurian legend Sir Gawain and the Green Knight, with a plot featuring castles, eerie nocturnal apparitions, evil magical powers, amorous entanglements and a singing decapitated head!