 Commencer par la dernière du recueil, la grande Partita en mi mineur, vaut pour aveu. Le Bach de Koroliov n’est pas le plus accessible qui soit, son dédain du chant, sa passion pour la polyphonie, sa délectation à se perdre (et nous perdre) dans les complexités de la pensée du musicien et dans la fausse clarté de ses lignes produisent une revisitassion singulière du corpus de clavecin. Aucune attention à la nature même de l’instrument pour lesquelles elles furent écrites : rien dans la sonorité, et pas plus dans les agréments, qui évoque tant soit peu le clavecin. La transition par le grand corps du piano, joué avec une certaine économie de pédale malgré tout, met à distance tout souci philologique, mieux, il interdit le charme et cherche l’abstraction. La vaste Toccata (neuf minutes) qui ouvre cette Sixième Partita pose les canons de cette vision singulière : pas de geste baroque, mais un lent déploiement quasi végétal, et qui bannit tout effet, presque tout discours. Avec cela un piano blanc, qui dans l’Allemande distille une tristesse sourde, plaintive. Rien ne dansera ici, les Courantes, les Sarabandes, les Gavottes, les Gigues elles mêmes seront des abstractions, mais magiques de sons fluides, comme caressées par l’aile du rêve. Quel détachement ! Toutes les reprises, toujours, élargissent le discours, et défont ce qu’il pourrait y avoir dans ces musiques de pur charme. Sévères jusque dans la poésie, secrètes plutôt que lyriques, les trois Partitas réunies sur ces deux disques en changent notre écoute, au point que j’ai la sensation de découvrir la célébrissime Première dont le Prélude hésite, s’attendrit, dans un clavier en apesanteur. Etrange premier volume d’une intégrale de ce cahier si couru qui risque bien de demander au final quatre CD. (Jean-Charles Hoffelé)  There is one cycle of Johann Sebastian Bach’s keyboard works that Evgeni Koroliov has not yet recorded and that’s the Partitas. Part 1 is out now with BWV 825, 826 und 830. Because Koroliov takes his time, they don’t fit onto one CD, but that’s no real loss for the listener. As is often the case with TACET, you pay for one CD but get 2. Composers such as Ligeti and Kurtág have praised Koroliov’s Bach interpretations, as have many reviewers the world over as well as countless listeners. At a time when many people have to live in isolation, separated from family and friends, this music is refreshing to the soul. No tinkling on the keyboard, no drama; instead, reflection and immersion in the beauty of the detail and of the whole. You enter into an intimate dialogue with Bach through the medium of Koroliov and you become completely absorbed in the interaction between these two artists. There’s no better way to pass the time.
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