 Aussi à l’aise dans le répertoire baroque que dans la création contemporaine, le claveciniste d’origine iranienne Mahan Esfahani avait déjà enregistré les partitas et toccatas ainsi que diverses pièces de Rameau et Carl Philipp Emanuel Bach. Nous sommes tout d’abord déconcertés par la prise de son à la fois très proche, presque sur la table d’harmonie de l’instrument, mais aussi par la réverbération de l’église de Loughton, en Angleterre. Etait-ce le meilleur endroit et surtout la meilleure manière de capter un tel instrument ? L’interprétation est totalement dans la matière sonore avec d’inévitables scories, mais aussi une sonorité qui ne quête nullement le "beau". Les différences de registrations tentent de montrer le caractère iconoclaste de la musique, à supposer qu’il existe, et c’est avec une fougue, un élan irrésistible que Mahan Esfahani dévalle le finale du Concerto Italien sur son clavecin à deux claviers. L’interprète explique dans le livret, le caractère spectaculaire de sa conception : "Bach traite le clavecin comme une machine". Soit. Le jeu devient heurté dans l’Ouverture à la Française. Le son du clavecin évoque celui de feu Rafael Puyana dans sa percussivité totale. Le clavecin du facteur d’instrument Jukka Ollikka de Prague est récent, inspiré du clavecin Pleyel de 1912 qui fut commandé par la claveciniste Wanda Landowska. Autant dire que le mélange des esthétiques accentue plus encore l’originalité pour le moins surprenante de ce récital. (Jean Dandrésy) Il faut entendre comment Mahan Esfahani empoigne le Concerto Italien ! Ce clavecin mord et sculpte, sa folle vitalité a quelque chose de rapace, d’acéré, qu’on n’y avait plus entendu depuis Ralph Kirkpatrick. Comme lui, Mahan Esfahani est impérieux, inflexible, le tempo lui est tout jusque dans ces césures qui seront autant de points de relance, certes cela ne sourira jamais, mais lorsque résonne la première page de l’Ouverture à la française, si roide, si intense, d’une si sombre grandeur (on pense aux Préludes non mesurés de Louis Couperin), le propos de l’interprète s’affirme : il veut faire rayonner les deux opus au même degré de majesté. C’est superbe évidemment, et tout au long des douze danses de la suite, une folle vivacité, une suractivité rythmique emportent un discours flamboyant. Le formidable clavecin imaginé par Jukka Ollikka d’après le mythique instrument de Mielke augmenté par Pleyel donne toute l’ampleur nécessaire à cette fête de sons. Les Quatre Duetti, le premier Capriccio regardent ailleurs, vers le tendre, le mystérieux, avant que la fête et la danse du Capriccio BWV993 ne referme le disque dans sa tonalité initiale : une inextinguible énergie. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
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