A compte du XXIe Siècle, Jörg Demus enregistra volontiers pour le label viennois Gramola qui lui réservait toujours de très beaux instruments et lui arrangeaient les sessions plutôt nocturnes qu’il appréciait tant, souvent en compagnie de Paul Badura-Skoda, refaisant l’essentiel de leur Mozart et de leur Schubert à quatre mains, mais aussi en duo avec un jeune violoniste à son goût pour la musicalité innée qu’il mettait à ses interprétations des classiques : Thomas Albertus Irnberger. Mozart et Schubert seront leur terrain d’élection, j’y reviendrais, mais Demus, si bercé de culture française, tenta le jeune-homme avec un tout autre répertoire. Il lui écrit en 1994 une sonate magnifique, déambulation panthéiste dans l’univers mystérieux de la forêt allemande : la « Waldsonate ». Voudrait-il l’enregistrer avec d’autres œuvres, mais françaises ? Evidemment, Debussy et Franck s’invitent. Rien dans la discographie de la Sonate de Debussy ne ressemble à leur version expressionniste, toute en couleurs fauves, ardente et fantasque sous l’archet du jeune homme que Demus emporte dans un piano volontiers tempétueux. C’est presque trop mais comme c’est exaltant ! Tout comme leur Sonate de Franck qui les voit unis dans un même chant océanique, d’une ampleur saisissante. Les deux amis sont à égalité absolue, chantant l’un dans le chant de l’autre, faisant à eux deux non plus un duo mais un orchestre. Admirable, et là encore qui ne ressemble à rien dans l’abondante discographie de ce chef-d’œuvre. Ecoutez seulement. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)