 A la fin des années cinquante, Wolfgang Sawallisch réinventa littéralement le Vaisseau fantôme pour le Neues Bayreuth, accordant son propos à la mise en abîme épurée qu’en proposait Wieland Wagner. Mais si le geste était vertigineux, la couleur elle ne sembla jamais aussi italienne dans le plus nordique des opéras de Wagner. C’est que Sawallisch, affutant son orchestre, le libérant de l’emprisonnement de la fosse en fouettant les violons, voulait son Vaisseau fils du Freischütz de Weber, l’envers absolu du conte noir qu’avait montré jusque-là Josef Keilberth pour le plus damné des Hollandais, Hermann Uhde, qui semblait sorti d’un film de Murnau. Sawallisch lui, qui se souvenait tant des allégements voulus ici par Clemens Krauss ou Ferenc Fricsay aurait le plus humain, le plus avide de rédemption des Hollandais, George London, qui l’ayant étrenné avec Keilberth trouvait enfin ses marques avec Sawallisch, accord parfait qui donne le frisson. Rysanek compose une Senta entre fragilité et ardeur, assez saisissante et pour tout dire inhabituel le… ce timbre qui flotte…. Wieland Wagner la remplacera vite par son nouveau coup de cœur, Anja Silja, torche vive, inoubliable, mais elle aura un pâle Hollandais : Frans Crass. Puis il faut bien avouer que Rysanek et London se trouvent, équivalences vocales avec les mêmes splendides fragilités. Greindl est toujours irrésistible, Daland un peu Fafner, dans un rôle qu’il abandonnera bientôt hélas, Uhl ardent Erik ne fait pas oublier l’italianita de Kozub, peu importe, les trois actes filent, on écoute saisi jusqu’au sacrifice finale où cette mer engloutie tout sous la baguette vorace d’un Sawallisch que le théâtre du jeune Wagner enflammait comme peu d’autres. Le son, enfin tiré des bandes originales, est une splendeur. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)

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