 Le terme anglais "Piper" n’a pas d’équivalent français. On peut dire "joueur d’instruments à vents", de façon assez large, et c’est ce qu’illustre brillamment ce très bel enregistrement où Silke Schulze, seule aux commandes, nous régale de ces allègres mélodies, quasi-improvisées, soutenant le rythme parfois d’un tambourin ou d’un triangle. En effet l’art des ménestrels, trouvères et troubadours qu’elle ressuscite ici avec beaucoup de talent impliquait la maîtrise d’un grand nombre d’instruments, et de leurs techniques propres. Défilent ici devant nos oreilles charmées tout un aréopage de flageolets, flûtes à bec, flûte double, shawn (bombarde), douçaine (basson primitif), et les instruments de percussion précédemment mentionnés. L’art des artistes à vent du Moyen Age a très peu évolué du douzième au quatorzième siècle, comme l’illustrent ici la monodie d’Hildegard von Bingen, géniale abbesse et compositrice (1098-1179), puis toutes les pièces s’égrenant au fil du temps jusqu’aux danses anonymes de la fin du XIV ème siècle conservées dans un manuscrit à Londres. Ces musiques transmises presque exclusivement grâce à la tradition orale, et dans une conception toute d’improvisation et d’adaptation aux moyens disponibles ne faisaient que très rarement l’objet d’une notation. Seules des circonstances exceptionnelles comme l’appartenance de l’auteur à une cour, la prédilection d’un prince pour telle ou telle pièce (Estampies Royales ), ou encore le haut niveau d’instruction du scripteur (Hildegard von Bingen) pouvaient justifier qu’on les consignent pour la postérité. Il est donc d’autant plus étonnant qu’un grand nombre de mélodies de ces époques aient survécu jusqu’à nos jours, isolément ou dans des recueils comme celui compilé à la demande du Roi de Castille et Léon Alphonse le Sage. Des échanges et emprunts dus aux déplacements continuels de la grande majorité de ces artistes, notamment lors de véritables "foires" aux musiques et aux instruments, telles qu’elles existaient à Beauvais ou Arras, étaient à l’origine d’un foisonnement créatif intense et d’un corpus commun d’airs parfois connus de tous. Ces musiques, créées presque toujours sous forme chantée, profane ou religieuse, étaient aussi bien jouées comme ici au seul instrument, à l’exception des musiques de danse comme le Trotto ou le Saltarello, que Silke Schulze joue ici, comme les autres pièces, avec une fraîcheur qui ranime toute la joie spontanée de créer de ses lointains confrères du Moyen Age. (Jean-Michel Babin-Goasdoué)  A specialist in wind instruments from the Medieval and Renaissance eras, Silke Gwendolyn Schulze takes listeners on a journey into the musical past of the courts and country fairs of Western Europe in the Middle Ages. Though little direct evidence has come down to us about individual composers and the instruments they played, she combines painstaking research and a vivid musical imagination to recreate the world of the aristocratic singer–poets and itinerant musicians – the troubadours and minstrels – who were an important part of every facet of cultural life at the time. Knowledge of these musicians’ social patterns, illustrations of instruments and manuscripts of vocal music and wordless dances have informed Schulze’s reconstruction of the theoretical repertoire of one imaginary Medieval piper – the songs he would have learned, memorised and performed for the entertainment of others. She performs a varied programme of pieces, some by great names of Medieval music such as Hildegard von Bingen and Guillaume de Machaut, some by documented courtly troubadours like Jehan Erart and Guiraut Riquier, some even posited to be by the King of Castile and Leon himself, Alfonso el Sabio, using a wide array of period wind instruments including pipe & tabor, two tabor pipes, pipe & triangle, six-hole flute, recorder, double recorder, shawm and douçaine.

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