« Confiez à chaque instrument ce qu'il peut porter, et le joueur s'en réjouira, et vous y prendrez plaisir, » conseillait Telemann. Ayant dû lutter, et d'abord contre sa famille, pour acquérir sa formation musicale, il souhaitait ardemment rendre la musique accessible aux amateurs. C'est dans ce but que ce compositeur prolifique dans tous les domaines édita des œuvres avec effectifs réduits et suggéra des instrumentations alternatives. Il s'imposait ainsi des contraintes : maîtriser les qualités idiomatiques de chaque instrument, se limiter à un effectif restreint pour les parties supérieures, et y tresser habilement la basse continue. Extraits du troisième livre de 1733, les « quatuors ou trios » présentés dans cet album ont représenté un jalon important dans l'histoire de l'élégante musique de chambre du XVIIIe siècle. La musique de Telemann est encore baroque par la forme et le langage, mais manifeste déjà l'esprit classique. Son attrait populaire, dû à son caractère galant, fût tel que Telemann dût se rendre à Paris en 1737 pour en empêcher le piratage par des éditeurs peu scrupuleux. La plupart des quatuors choisis par le Concerto Köln pour cet album reprennent l'ancienne forme de la « sonata da Chiesa » : premier mouvement lent, second grave mais rapide, troisième plus mélodique, quatrième dansant. Seul le quatuor numéro 3, en la majeur, adopte la forme plus moderne du concerto en trois mouvements, vif-lent-vif. Son « introduction à trois », extraite du périodique "Der Getreue Music-Master" édité en 1728 par Telemann, après une ouverture à la française, comporte une suite de cinq danses évoquant chacune une femme célèbre de l'antiquité. Peut-être une réduction d'airs d'opéra ? Les membres du Concerto Köln ont choisi pour notre plaisir d'instrumenter ces pièces de façon à rendre clairement audible leur diversité, avec flûte ou violon pour les parties supérieures, clavecin et/ou violoncelle pour la basse continue. Cette musique ne porte aucun message métaphysique, elle ne recèle aucun mystère : c'est une musique pour le plaisir, plaisir des musiciens, plaisir de nos oreilles, que le Concerto Köln nous communique avec le brio qu'on lui connaît. (Marc Galand) After listening to a substantial number of operas, cantatas, concertos, and chamber music left by the immensely prolific Georg Philipp Telemann, one might assume there would soon be nothing new to discover. This is far from the truth, as demonstrated by the latest production from Camerata Köln and its director, Michael Schneider. The "Six Quatuors ou Trios 1733" are not merely a continuation of Telemann's Concerti da camera. They differ significantly: polyphonic, chromatic quirks, delicate cantilenas, highly virtuosic (and expertly executed) miniatures, and finally, a series of ancient women's portraits in the contemporary colors of the "Getreue Music-Meister" – if anything is repeated here, it is the amazement at an almost limitless, inexhaustible imagination.
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