Michael Korstick est décidément à part dans le paysage pianistique des années 2010. Son clavier, très sonore, qui ne manque pourtant pas de profondeur ni de nuance, en laisse plus d’un au bord du chemin. J’avais été bluffé par son intégrale des Sonates de Beethoven pour Oehms, ni nerveuse, si tendue, si pleine d’humeurs et comme improvisée. Les trois Années de Pèlerinage, admirables par le style et la diction, une intégrale Debussy en cours unanimement détestée sinon en Allemagne et à laquelle je reviendrais, tout cela compose en tous cas l’univers musical d’un pianiste surdoué et d’un musicien singulier. Le voici qui entre chez Schubert. La critique française a immédiatement crié au secours. Quoi ? Faire Schubert dans autant de lumière, en lui refusant la tendresse du cantabile, et surtout la dimension métaphysique ? Ouais….pour ce qui est de l’absence de métaphysique je ne mettrais pas ma main à couper. Si Korstick propose d’abord des lectures, il ne renonce pas à interpréter. Son art est dans le retrait, dans la mise en perspective des structures, dans un certain effacement derrière l’œuvre. Mais il suffit d’écouter comment il phrase l’andante de la Sonate en la majeur D 664– cette douleur qui avance masquée, cette ligne de chant sans appui mais pourtant modelée dans des gradations dynamiques d’autant plus subtilement menées qu’elles le sont en pleine lumière – pour savoir que Schubert lui parle et que ses ailleurs ne lui font pas peurs. Preuve, une Sonate D 960 à nue, sans aucun effet, glaçante tant elle lucide. Et dite comme seuls Richter ou Berman le firent : grand paysage d’hiver, au souffle glacé. L’andante de la Sonate D 959, dont il joue l’énoncé du thème pointé, et en appuyant les accords, désarçonne. Cette manière si peu habituelle, qui préfère la parole au chant, laisse d’abord interdit. Mais l’effet d’hypnose se produit que Korstick brisera en donnant à l’hallucination centrale quelque chose d’absolument fantomatique, rythme cassé, crescendo retenuto, et comme un ricanement qui s’élève. On est chez les ombres. Les Moments musicaux eux-mêmes, retenus, contemplatifs parfois, sonnent plus d’une fois étrange, sous des éclairages de demi-jour, et leurs mélodies lunatiques vont comme un gant à ce piano qui aime poser des questions. Saurez-vous lui apporter des réponses? (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Si le Schubert de Korstick fera probablement controverse, il ne peut laisser indifférent tant la volonté du pianiste de se distinguer est affirmée. Exemples à l’appui, il s’en explique par le respect du texte, dans une notice hélas d’un tel narcissisme qu’on peine à la lire (en anglais) jusqu’au bout. Mais oublions nos repères (« la musique de Schubert avance au rythme du promeneur ») et la lettre du compositeur condamnant les « pianistes au jeu haché » : qu’entend-on ici ? Les mouvements initiaux de D959 et D960, ancrés sur des basses martelées (pianiste ou ingénieur du son ?) une articulation très prononcée et des épisodes très contrastés, évoquent plutôt Beethoven. Mais scherzos et finales trouvent un ton convaincant. Les mouvements lents partagent : au lieu de « marcher », celui de D959 semble ployer à chaque pas sous une lourde charge jusqu’au moment de folie central, saisissant. Celui de D960 a perdu son caractère sostenuto et prend ça et là des allures de choral. Les autres pièces (sonate D664, mélodie hongroise D818 et Moments musicaux) s’accommodent plutôt bien des options du pianiste. Un disque en forme de manifeste, qui appelle une écoute attentive et engagée. (Olivier Eterradossi) "When it comes to serving music by coupling pianistic brilliance with a special sense of tone and interpretive intelligence, then Korstick is in his element". Thus FonoForum, and truly, whether we have produced and released works by unknown composers or the standard literature with him, Michael Korstick has always proven to be an individual interpreter and created new benchmark recordings. Among critics and informed citizens of the piano world, this native of Cologne has for quite some time enjoyed renown as one of Germany’s leading pianists. The critics have repeatedly highlighted the outstanding balance between brilliant virtuosity and musical interiorization negotiating between a strongly developed personality and uncompromising loyalty to the works as the characteristic trait of his playing. We thus have decided, by way of exception, to release Schubert’s sonatas on two CDs with this extraordinary interpreter. For the rerelease of Schubert’s Sonata in B flat major on the second CD, Korstick even won the Echo-Klassik prize in the category "Solo Recording of the Year" in 2005. In his occupation with Schubert’s sonatas Korstick has not made things easy for himself : "In genuinely great and significant music the interpretive end of the flagpole is never reached, and Schubert will always be a ‘current’ composer, for his music not only is anchored in its times but also points beyond them; it is universal in that it says everything without expressing it – for the player and the listener, a never-ending challenge, strenuous and at the same time rewarding".
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