Est-ce la crainte de ne pas voir Lazarus crée à Vienne où simplement la fuite de l’inspiration qui laissa l’œuvre abruptement inachevée après l’air de Martha « Herbt mich » ? Quoi qu’il en soit, ce chainon manquant de l’oratorio germanique entre Haydn et Mendelssohn reste en marge des ultimes chefs-d’œuvre de Schubert, et n’a guère retenu l’attention. Sa musique un rien pâle – une impression augmentée par la prise de son nimbée qui semblent mettre ici les chanteurs comme l’orchestre à distance -, malgré quelques moments prenant dont le « O könnt ‘ich » défendu avec ardeur par l’excellent Thomas Berndt, son orchestre modeste, ses mélodies un rien anonyme veulent être défendues. Hors Frieder Bernius n’en donne qu’une lecture qui, si elle se pare des pratiques historiquement informées (mais cette absence dogmatique de vibrato ne dessert-elle pas l’œuvre au fond ?), reste au premier degré. Les chanteurs eux-mêmes semblent hésiter : faut il incarner des personnages, ou simplement dérouler cette guirlande de lieder et de récits ? Malgré une belle ligne de chant, la Marta de Sarah Wegener reste dans un prudent entre deux, comme la plupart de ses confrères. Déçu, je remets dans la platine la version princeps gravée pour Electrola en 1979 par Wolfgang Sawalisch durant son Odyssée au sein de l’œuvre sacrée de Schubert, et soudain l’orchestre parle, la parabole se fait drame. Et l’équipe de chant en est bien plus relevée (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé) Malgré l’Évangile, nous ne saurons jamais, musicalement, si Lazare a été ou non ressuscité par Jésus : la partition s’arrête, quelque peu brutalement au beau milieu des souhaits désespérés de Martha prostrée sur le tombeau, d’être arrachée à ce cruel moment, sur un Und… qui ne laisse guère présager la suite. Après une longue discussion avec Simon l’incrédule sur la résurrection, suivent la mort de Lazare et ses funérailles. Nous n’avons que le livret du 3ème acte (dû à Niemeyer qui ajouta au récit biblique des personnages empruntés à Klopstock) et restons sur notre faim pour le grand tableau final. Moderne est-il pour l’époque, cet ouvrage d’un Schubert de 23 ans, qui remplace le récitatif par une déclamation continue inspirée de Fidelio et laissant prévoir le style wagnérien. Pour l’apprécier pleinement toutefois, il ne faudrait pas connaître le Lazare d’Alfred Bruneau (1902) sur livret de Zola, où le héros, ressuscité, supplie le Christ de le rendre à la mort et à son idéal repos. L’interprétation de ce Lazare-ci, assurée par S.Wegener, J.Winkel, S.Harmsen pour Maria, Martha et Jemina, A.Weller pour Lazare, T.Lichdi et T.Berndt pour Nathanaël et Simon, les chœurs et l’orchestre de Stuttgart dirigés par Frieder Bernius, est irréprochable. (Danielle Porte)
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