 Aux côtés d'Alfano, Casella, Malipiero, Respighi et de quelques autres, Ildebrando Pizzetti (1880-1968) est un représentant de la Génération de 1880 qui succède à Verdi et Puccini et incarne alors la "nouvelle musique italienne". Sans toujours totalement rejeter l'héritage de leurs illustres aînés, ces jeunes compositeurs marquent cependant une nette rupture avec eux et avec leurs suiveurs (Mascagni, Giordano) auxquels ils reprochent d'avoir surinvesti l'opéra depuis cent ans au point d'avoir érigé ce genre comme l'unique marqueur de l'identité musicale italienne au détriment de la musique instrumentale, si vivante dans l'Italie des XVIIe et XVIIIe siècles et vers laquelle ils effectuent un retour. En dépit de cette posture avant-gardiste, Pizzetti n'est pas un révolutionnaire : ni atonale, ni sérielle, attachée au chant et à la mélodie, sa musique reste ancrée dans le XIXe siècle et s'affirme clairement néoclassique, pour ne pas dire post-romantique. Usant d'un langage qui s'apparente à celui de Franck, Fauré et Chausson, son originalité réside plutôt dans une forme d'expressivité romantique qui prétend "traduire en sons les sentiments et les sensations" et qu'illustre parfaitement sa musique de chambre dont ces deux très beaux albums rassemblent les œuvres essentielles hormis les deux quatuors à cordes. Dédiée à Yehudi Menuhin, la Sonate pour violon et piano (1918) traite les deux instruments à égalité et présente trois mouvements aux caractères contrastés, successivement dramatique et tempétueux, nostalgique et méditatif, rustique et populaire. Ecrit selon un mode archaïsant ce dernier mouvement renoue, comme Respighi avec ses Antiche danze ed arie, avec l'idée d'une Italie "ancienne". Sombre, violente, douloureuse et déchirée, la Sonate pour violoncelle et piano (1921) est composée peu après la disparition soudaine de son épouse : elle diffuse une atmosphère de souffrance, de tristesse et de deuil, intimes et poignantes émotions portées par un violoncelle d'une grande densité. Consacré à la forme trio piano, violon, violoncelle, le second volume s'ouvre avec le superbe et séduisant Trio en la mineur (1925). Lumineux, mélodique, il emprunte au style grégorien qui lui confère une paix et une sérénité qui tranchent avec les tourments des deux précédentes sonates. Plus souvent joués, les Tre Canti (1924) s'inscrivent dans la même veine lyrique, expressive et romantique que le Trio. Quatre courtes pièces lentes et émouvantes complètent ce programme : composées entre 1906 et 1960 elles confirment que le style de Pizzetti a peu évolué avec le temps. Brillant, ardent et engagé, le Trio di Parma exhume et défend avec talent ces œuvres oubliées et pourtant splendides qui nous rappellent opportunément qu'au début du XXe siècle la musique italienne ne résume pas uniquement à l'opéra. (Alexis Brodsky)

|