Avec ce coffret de 7 disques, voilà achevée la quête alchimique de Carlo Grante en terres scarlattiennes (ici sonates K 514 à 555, volumes de Venise 1742 et 1749, multitude de sources éparses et notice passionnante). A-t-il trouvé la pierre philosophale ? A chacun de voir … J’entends déjà les tenants du clavecin s’indigner (pourtant, bien des chercheurs pensent aujourd’hui que Scarlatti eut accès à un Cristofori, et quel ayatollah pourrait interdire l’entrée du labyrinthe à un pianiste de la trempe de Grante ?), les amoureux des collections de perles se demander pourquoi disposer de "tout Scarlatti" quand quelques pépites pourraient suffire, etc. Soyons clair : je connais les beautés dues à (dans le désordre, et pardon aux autres) Ross, Rousset, Horowitz, Pogorelich, Hantaï, Landowska, Pletnev et même aux frères guitaristes Assad. Mais Grante parcourt le dédale scarlattien avec une élégance, une modestie, une science, etc. qui émerveillent. Ce qu’il fait de son énorme Bösendorfer historique, en tirant une "impression de clavecin", est assez stupéfiant par moments au prix d’une réflexion passionnante sur les ornements et d’un travail profond sur l’équilibre des mains. Il suffit d’écouter la paire K 534-535 (très atypique), l’énigmatique K 541, ou K 540 emplie de prémices mozartiennes, pour succomber. Comment digérer un tel "pavé" ? En picorant ? En dispersant autour de son fauteuil partitions et ouvrages académiques (Sheveloff et Kirkpatrick en tête) ? En fermant les yeux pour se laisser envahir par la musique ? Peu importe : entreprenez ce voyage immobile, sans un instant de monotonie : magique ! (Olivier Eterradossi)
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