 Qui connait Emil Nikolaus von Reznicek ? Passé à une relative postérité par l’ouverture de sa Donna Diana –qu’Erich Kleiber inscrivait volontiers à ses bis – intime de Richard Strauss, montrant à l’égard du régime Nazi une indifférence glacial, d’ascendance tchéquo-roumaine, il est un pur produit de l’empire Habsbourgeois. Le succès de sa Donna Diana lui valut la réputation d’un auteur brillant, d’abord dévolu à la scène. Erreur de perspective. Le grand œuvre de Reznicek est à l’orchestre symphonique, comme le démontre la large saga discographique ouverte par l’éditeur allemand CPO. Et son orchestre se scinde en deux. Brillant, novateur par le détail, ironique lorsqu’il prend la plume pour railler la Heldenleben de son ami Strauss dans son Schlemil . Dans la plus pure tradition germanique lorsqu’il se consacre aux symphonies proprement dites. Si la 5e « Tanzsinfonie » essaye une fusion de ces deux manières, les 3e et 4e que Frank Beermann et sa Robert-Schumann-Philharmonie revisitent aujourd’hui, semblent coulées d’une tradition justement schumanienne. Reznicek ne partagea guère les critiques envers les talents de symphoniste de Schumann émises par ses confrères – à commencer par celles de Gustav Mahler qui y alla de ses propres réorchestrations. La 3e Symphonie reprend d’ailleurs les procédés de l’orchestre schumanien, volonté de réinscrire ce corpus méprisé dans la grande lignée symphonique germanique. Résultat troublant, il me faudra encore bien des écoutes pour en saisir et l’écriture et le sens. Car rien chez Reznicek ne peut-être confondu avec les facilités de styles employés par la noria des compositeurs postromantiques. Il y a dans sa manière un art de la différence qui déteste la synthèse quitte à risquer le paradoxe. Si la 3e regarde vers Schumann et l’assimile en une langue moderne, la 4e suractive, étonnante par ses humeurs et son caractère, est du tout grand Reznicek. L’orchestre caracole, les formules claquent, les couleurs fusent et l’ampleur du discours appuyé sur une invention mélodique incessante semble célébrer le retour de la paix. L’Empire austro-hongrois était dépecé par le Traité de Versailles, Reznicek continuait de le célébrer (Discophilia, Artalinna.com). (Jean-Charles Hoffelé)  Cet album conclut la première intégrale jamais enregistrée des symphonies de Reznicek, musicien curieux, d’une originalité profonde et d’une versatilité stylistique toujours surprenante, dont l’œuvre va bien au delà de la seule ouverture de Donna Diana qui fit sa gloire. Ainsi ces deux pages voisines dans le temps car écrites en 1918 et 1919 exposent-elles deux facettes de sa création : le brillant pastiche de Schumann et Mendelssohn dans la symphonie n°3 « im Alten Stil » précède la puissante quatrième symphonie dont l’étonnant mouvement lent, « marche funèbre à la mémoire d’un comédien » nous ramène près de l’univers sarcastique de Mahler. Désormais familier avec la personnalité souvent déconcertante de Reznicek dont les œuvres ne cessent de dérouter l’auditeur par leur voltes-faces stylistiques, y compris au sein même d’un mouvement, Franz Beermann et son orchestre Robert Schumann apportent une nouvelle pierre à l’édifice de la redécouverte du post-romantisme germanique pour laquelle nous devons tant à CPO. Reste une énigme : retrouvera-t-on jamais la partition de Frieden, le dernier grand poème symphonique de Reznicek ? (Richard Wander)

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