 Décidément le violon de Mozart a de la chance ! Les violonistes de la jeune génération revisitent ses Sonates et ses Concertos avec d’incessants bonheurs. Je sors à peine du second volume signé par Frank-Peter Zimermann que me voila transporté par le bonheur contagieux dispensé par une nouvelle intégrale des cinq Concertos. Kristof Barati l’emmène de son violon altier, pimpant, héroïque, entrainant dans son jeu pimenté une petite bande tout aussi imaginative. Il dirige de l’archet ses amis de l’Orchestre de Chambre Hongrois qui ne font qu’une bouchée des rires de Mozart comme de sa nostalgie. Dans les deux premiers Concertos on entend de petits opéras et non plus ces musiques un rien galantes, pour les Rondos et l’Adagio, une poésie s’instille sans crier gare malgré les tempos plutôt vifs. Mais le ton génialement effronté de l’ensemble rayonne à plein dans les trois grands concertos, menés avec vigueur, persiffleurs plus d’une fois, puis saisis par la grâce dans les adagios. Le Concerto "turc" est un coup de génie ici, une scène d’opéra en trois volets brillamment composée, aux effets imparables, aux cadences irrévérencieuses, et avec un final anthologique : la nostalgie ne cède qu’à peine lorsque parait la turquerie, mais quelle turquerie ! Et comme Barati la fait danser ! Je parie que Mozart aurait adoré. Et maintenant, jeune homme, trouvez-vous un altiste pour la Symphonie concertante et les Duos! Ah oui, j’oubliai, c’est enregistré en concert! L’esprit était à la fête (Discophilia - Artalina.com). (Jean-Charles Hoffelé)  "Si vous ne retournez pas à l'état des enfants, vous ne pourrez entrer dans le royaume des cieux". C'est Olivier Messiaen qui citait ainsi l’Évangile de Matthieu au sujet du concerto (pour piano) KV 491. Ceci vaut aussi pour les concertos pour violon, comme démontré merveilleusement par Lena Neudauer et Bruno Weil chez Hänssler. Kristof Barati, hélas, n'est plus un enfant innocent... plutôt un ado narcissique enivré par l'image que lui renvoient presse et public (enregistrement "live", ici), et qui dit "je" à la place de Mozart. Dès le KV 207, on est stupéfait de ce qu'on entend : tempi pressés, mesures "vides" (oh là ! rien qu'une blanche et une noire ici, on va s'ennuyer... que faire ?) farcies d'ornements bizarres qui ruinent la phrase mozartienne, cadences paganiniennes bourrées d'effets anachroniques. Partition en main, l'adagio est par endroits méconnaissable. Ceci dit, c'est indiscutable : voilà un violon (pyro)technique et athlétique, un praticien de haut vol. Pas le temps de diriger vraiment l'orchestre, qui fait un service standard. Les autres concertos sont de la même eau : pas du Mozart, décidément, mais du Barati. Même le public prend un temps avant d'applaudir, et parfois assez froidement. Les fans du violoniste seront comblés par le show. Les autres risquent de friser l'accident cardiaque. (Olivier Eterradossi)

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