Martin Intégrale Des Œuvres Pour Flûte Pahud - Mgb6275 - Contemporary

Saluons la parution d’une série de disques consacrés aux compositeurs suisses, produite par la RTS et l’Orchestre de la Suisse Romande, qui nous avait déjà valu la découverte de deux oratorios de Willy Burkhard (cf. supra) Ce double CD propose l’intégrale des œuvres pour flûte de Frank Martin. Compositeur prodige, il est né à Genève en 1890. De Rome à Paris, il a enseigné toute sa vie. Après la guerre, il se fixe à Cologne où Stockhausen figure parmi ses élèves. Il est notamment l’auteur du « Vin herbé » et de » Golgotha » deux oratorios de sa maturité, d’une petite symphonie concertante (commande de Paul Sacher) et d’une belle messe pour double chœur souvent enregistrées. Autant il utilise des formes archaïsantes pour ses œuvres sacrées, sa musique instrumentale, elle, s’émancipe de toute contrainte formelle. Grand pédagogue, il assimile les tendances musicales contemporaines et les applique plus ou moins dans ses œuvres. Il adopte un temps le sérialisme de Schœnberg (son 1er concerto pour piano) puis se libère de tout dogmatisme pour s’orienter vers un style « ouvert », privé des contraintes formelles et basé sur l’improvisation. Les œuvres proposées ici datent des années 1937-39. La 1ère ballade est une pièce de concours. La seconde était écrite à l’origine pour saxophone. Le compositeur, en fonction des circonstances, l’a transcrite pour la flûte puis en a réalisé une version augmentée. Idem pour la sonate « da chiesa ». A noter que le premier CD propose les arrangements avec orchestre. Le flutiste Emmanuel Pahud est accompagné d’un orchestre à cordes, d’un piano ou d’un orgue. En écoutant ces pages qui rappellent Debussy et Bartók, on comprend que Frank Martin était un adepte de la forme libre, n’hésitant pas à doubler la durée d’une pièce pour laisser libre cours à son génie harmonique et à sa faculté d’improvisation. Si la structure de chaque pièce est déterminée par des cadences ou des motifs et des cellules rythmiques répétées, la musique passe par d’étonnantes métamorphoses au gré de son développement. Le soliste peut alors laisser épanouir son jeu, soigner le timbre et la couleur de son instrument. C’est là tout le paradoxe de cette musique : si l’on s’épanche, c’est toujours avec pudeur et sensibilité. Emmanuel Pahud fait preuve de raffinement et de souplesse dans son interprétation, épaulé par ses complices aux claviers, et par l’orchestre de la Suisse Romande, dirigé d’une main sûre par un fidèle apôtre de ce répertoire, Thierry Fischer. (Jérôme Angouillant)