 De tous les Lieder de Schubert le cycle du Voyage d’hiver est certainement le plus connu et le plus enregistré. Ténors, barytons, basses et même mezzo-sopranos ou contraltos s’en sont emparé, tandis que certains compositeurs — Hans Zender (1993), Yukikazu Suzuki (1997) — l’ont orchestré. Bien avant eux, un pianiste et orchestrateur de génie, Franz Liszt, avait adapté en 1840 pour piano seul douze des vingt-quatre lieder du cycle, mettant en avant la possibilité pour le piano, instrument percussif, de rivaliser avec le lyrisme cantabile de la voix humaine, et procédant en outre par la réorganisation de l’ordre des pièces à un nouveau narratif de ce sinistre voyage. Avec un art pianistique consommé de la respiration de la ligne de chant, que l’on avait déjà signalé, Leonardo Pierdomenico (1992) traduit toutes les atmosphères, ambiguës ou en demi-teintes, de ces lieder qui sont avant tout un voyage intérieur vers la mort, simultanément redoutée et escomptée. En 1854, remerciant Berlioz de sa dédicace de "La Damnation de Faust" (1846), Liszt entreprit la composition de sa "Faust-Symphonie" pour orchestre en trois mouvements, à laquelle il ajouta peu après un Chorus Mysticus. Gretchen, Margot, archétype de la Femme, "Das Ewigweibliche", en est le second mouvement, transcrit pour piano seul en 1867. Liszt réussit là le tour de force de rendre sur le seul clavier la délicatesse des mélodies échangées par un quatuor de clarinettes et de flûtes, rejoint ensuite par un hautbois et un alto puis par les violons et la harpe céleste. Car cette section centrale de la symphonie exalte une vision idéale de la féminité éternelle, que l’interprète rend ici avec beaucoup de justesse. En contraste, mais toujours soutenu par le fil secret de la mort planant sur toute vie, qui avait marqué Liszt dès 1832 et l’épidémie parisienne de choléra, Leonardo Pierdomenico propose une interprétation puissante des variations sur le Dies Iræ du plainchant liturgique, thème sur lequel il avait déjà improvisé en 1833 dans le salon de la Comtesse Dash. On connaît bien la version pour piano et orchestre de 1849, révisée en 1853 puis 1859 et finalement créée en 1865 par le gendre de Liszt Hans von Bülow, mais la même année parut également cette version pour piano solo qui met particulièrement en valeur le titre oublié que Liszt avait donné à ses premières esquisses rédigées en 1839 : "Comédie de la Mort et Triomphe de la Mort". Malgré un piano quelque peu ferraillant par moments (prise de son ?), la version impétueuse et inspirée de Leonardo Pierdomenico saura séduire et convaincre à la fois du génie de Liszt et des talents de l’interprète. (Jacques-Philippe Saint-Gerand) While Liszt’s version of 12 songs from Winterreise is the crowning glory of his Schubert transcriptions, there are surprisingly few recordings of the complete set. Only two are presently available (one on fortepiano), making this new recording by Leonardo Pierdomenico a notable event, and coupled uniquely with two versions of Liszt’s own music. The young Italian pianist has already established himself as a Lisztian of renown and distinction through the Piano Classics album (PCL10151) including the Ballades, Legendes and Csardas macabre. The album won widespread critical admiration: ‘Would that half the seasoned Lisztians I know had Pierdomenico’s keen ear for stylistic differentiation within this half-century of repertory. His highly developed technique and cultivated sound, both adaptable to a variety of affects, are wedded to those twin essentials for artistic Liszt-playing: imagination combined with thoroughgoing, scrupulous musicality.’ (Gramophone, September 2018) Leonardo Pierdomenico now brings these Lisztian virtues to the songs from Winterreise which Liszt selected and arranged according to his own ordering, beginning like the original with ‘Gute Nacht’ but ending with the grim tavern scene of ‘Im Dorfe’. Along the journey, Liszt exercises all his powers of pianistic invention not merely to incorporate the song line within the piano part but to enrich Schubert’s music with his own sympathetic interpretation. In Der Lindenbaum, Liszt he deploys all manner of flourishes to conjure up the tree’s rustling leaves. In a surprising twist, he follows it with the cycle’s otherwordly song evoking Der Leiermann, the hurdy-gurdy man. The recital’s still central point of reflection is supplied by Liszt’s transcription of Gretchen from his Faust Symphony: a loving but complex portrait of the object of Faust’s affections, a cantabile meditation magnificently sustained over almost 20 minutes. By contrast, Totentanz in its solo-piano version is a feat of pianistic imagination, based on the Dies Irae plainchant, to test the most technically assured performers. Authoritative notes by the pianist and scholar Mark Viner complete a set sure to draw the interest of all Lisztians.
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