 S’il excellait dans le répertoire russe (il fut le premier à graver pour Melodiya une intégrale des Symphonies de Chostakovitch qui fait toujours autorité), Kirill Kondrachine (1914-1981) fut aussi un interprète exceptionnel de la musique de Mahler, se plaçant d’emblée parmi les Bernstein, Haitink, Karajan, Kubelík et autre Solti. Toujours chez Melodiya, il nous laisse ainsi de fulgurants témoignages des Symphonies mahlériennes (hormis les n°2, 8 et 10), gravés entre 1961 et 1978. Après tout, Chostakovitch peut être considéré comme l’héritier spirituel russe de Mahler, et il semble évident que Kondrachine se meuve dans l’univers musical de ce dernier avec la plus naturelle aisance. Véritable autobiographie musicale du compositeur, la Symphonie n°6 en la mineur, souvent appelée « Tragique », trouve dans cette interprétation idéale du chef soviétique associé à une phalange germanique, la version la plus déchirante, la plus lourde de sens, la plus haletante dans ses tempi effrénés. Enregistrée en janvier 1981, l’année de la disparition de Kondrachine, à une époque où il était définitivement exilé de sa patrie vers nos contrées, cette vision totalement vécue nous est restituée en une prise de son stéréophonique exceptionnelle de transparence et de naturel. Seule petite déception, mais c’est peu de chose : tout comme dans son enregistrement Melodiya, la reprise de l’exposition de l’Allegro energico initial est omise, ce qui déséquilibre quelque peu ce mouvement (17’02) par rapport au Finale (25’25) et, partant, la structure de l’œuvre dans sa globalité. (Michel Tibbaut)

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