 Les Takacs désiraient enregistrer le Quatuor de Ravel en le mettant en regard avec "Ainsi la nuit" d’Henri Dutilleux, d’un chef-d’œuvre l’autre en quelque sorte, mais il resterait de la place pour une troisième œuvre. Stephen Hough qui se voue depuis toujours à la composition accepterait-il de composer un Quatuor ? Le voici, sous titre "Six rencontres", pour le Groupe des Six illustré par six endroits qu’on suppose de Paris, manière de n’être ni dans la filiation de Ravel, et pas plus en écho aux abstractions lyriques de Dutilleux. L’écriture est habile, un peu citronnée de dissonances civilisées dans les mouvements vif façon Milhaud ou Tailleferre, plus pur charme avec un petit coté Poulenc pour les sections lento ou andante, c’est brillamment fait, s’écoute avec plaisir au risque de s’oublier illico. Le contraste voulu avec les épures sombres de "Ainsi la nuit" interroge, d’autant que les Takacs y mettent d’une manière trop constante leur pure splendeur sonore, rendant les mystères trop sensuels. Je ne me plaindrais pas qu’ils soient aussi opulent et chantant dans l’opus de Ravel joué à pleins archets, faisant transparaitre dans la plénitude du son l’écho de celui de Debussy, un Ravel très jeune homme qui reprend la tradition du Quatuor français et commence à la pimenter de ses espaces oniriques, de ses pizzicatos de guitare. Faire sentir cet entre deux mondes est tout un art que certains trouveront trop solliciteur, mais la sensualité de cette lecture si physique interroge décidément autant l’œuvre que l’auditeur. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Belle surprise que celle du Quatuor du pianiste et compositeur Stephen Hough. Aux dires du musicien, la partition s’inscrit comme un « pendant aux œuvres de Ravel et Dutilleux ». Dédié aux Takacs, la pièce rend également hommage au Groupe des Six (Poulenc, Honegger, Milhaud, Auric, Durey et Tailleferre). L’écriture résolument tonale, délicieusement marquée par le charme des années trente évolue dans des atmosphères suggestives : Au boulevard, Au parc, A l’hôtel, Au théâtre, A l’église, Au marché. Si le contrepoint est parfois fois sévère – stravinskien – l’esprit demeure celui d’un divertissement non dénué d’humour (dialogues convenus, raffinés et murmurés dans “Au théâtre”). C’est finalement une musique d’une intelligence raffinée et qui mérite d’être écoutée en lisant une nouvelle de Paul Morand ! Le Quatuor "Ansi la nuit" de Dutilleux provoque un changement de style radical de la part des Takacs. Le caractère parfois lapidaire, mais d’une intensité expressive prodigieuse des sept sections de l’œuvre est magnifiquement restitué par les interprètes. Tout en restant d’un tranchant et d’une précision remarquable, leur jeu ne perd jamais le contact avec l’espace sonore et la poétique de monument chambriste du 20e siècle. Soixante-dix ans plus tôt, Ravel mit un point final à son unique quatuor. C’est cette même précision du détail qui irrigue l’organisation du fourmillement sonore constaté dans les deux précédents opus qui brille dans la présente version. Les Takacs en donnent une lecture pudique, subtile, appuyant doucement le vibrato, comme jouant pour eux seuls. Une conception intimiste très personnelle et qui mérite d’être connue. (Jean Dandrésy)

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