Je ne savais rien d’Einav Yarden, et ce disque serait passé sans que je le remarque si l’ami Frédéric Gaussin ne me l’avait signalé. Elève de Fleisher au Conservatoire Peabody, chérie par Elisso Virsaladze, mais formée initialement en Israël, cet album Haydn où paraissent des Sonates assez peu courues n’est pas son premier : un surprenant programme Beethoven versus Stravinski l’avait précédé, joliment intitulé « Oscillations » sur lequel je reviendrais. Serait-ce de Virsaladze que la jeune pianiste israélienne tient ce jeu délié et sonnant qui ébroue le clavier de Haydn dans une vaste lumière ? C’est construit comme rarement le sont les Sonates de l’auteur de La Création trop souvent jouées à l’emporte-pièce, ici parait une conscience de la forme qui pourtant ne freine pas les caractères, et ose dans le finale de la 47e des traits absolument beethovéniens. La technique d’avant-bras est parfaite, qui allège les gruppetti, pique les ornements, fait miroiter de subtiles sotto voce, toute une grammaire du clavier de Haydn qui regarde plus vers la fantaisie que vers le classicisme. Cela s’est peu entendu depuis les albums de Richter qui soignait le son et se régalait de l’esprit de cette musique plus complexe qu’elle ne veut bien le paraître. Car derrière la fantaisie, en une seconde des paysages psychologiques affleurent que Yarden sait suggérer par une infime variation du tempo, un accent soudain plus ombré. Cet album impeccable est l’un des plus beaux disques Haydn que j’ai croisé. Courrez-y. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)