Schumann le fantasque ? Einav Yarden répond oui, qui commence son album par les ténébreuses Fantaisiestücke op. 111, triptyque nocturne qu’elle joue d’un clavier sourd, secret, où les doigts sont immatériels à force d’ombre. Ce discours secret, sans tapage, qui chante dans la profondeur d’un Steinway boisé qu’embellit encore l’acoustique si naturelle du Reitsadel de Neumarkt, dit tout de l’ultime Schumann, perdu au monde, tout entier réfugié dans sa musique. La pianiste trouve également les sentiers effacés des Scènes de la forêt, commencées avec tendresse par le doux égrenage de l’Eintritt, sonorité magnifique de tendresse, geste effleurant, exemple de cet art de la suggestion qui durant tout le recueil fera comme un voyage les yeux grands ouverts dans une forêt pleine de surprise, d’une simplicité surprenante : écoutez come Einsame Blumen file ! C’est l’étoffe des songes qui fait ce piano si immatériel, si mobile, jusque dans un Oiseau Prophète qui se chante seul son arabesque au sommet d’un sapin isolé. Et la Fantaisie ? Einav Yarden l’exauce, tombeau fraternel qui enchâsse et l’amour pour Clara et l’hommage à Beethoven dans des guirlandes de notes. Merveille, la pianiste évite toute pompe dans le redoutable Massig, et toute dureté dans sa terrible coda. L’ode finale, esseulée, épuisée, magnifique prélude à une nuit stellaire, chantera elle aussi dans une ombre émouvante, déployant ses camaïeux de gris colorés. Décidément cette pianiste est une poétesse. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
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