Les « Lamentazioni » italiennes constituent la préfiguration saisissante des « Leçons des ténèbres », genre apparu plus tard en France, et dont M.A. Charpentier et F. Couperin furent les plus remarquables illustrateurs. Destinées aux offices des mercredi, jeudi et vendredi saints, ces lamentations (3 par jour soit 9 au total) sont écrites sur la traduction latine de passages des Lamentations de Jérémie. Œuvres à visée pénitentielle, elles évoquent les maux subis par Israël à cause de ses désobéissances à Dieu, et appellent Jérusalem à la repentance, comme le signifie l’identique dernier verset de chaque lamentation chantée sur une musique à chaque fois différente. Destinées à une voix avec accompagnement de basse continue, elles s'ouvrent toutes sur la cantillation mélismatique d'une lettre de l'alphabet hébreu — sorte d'initiale enluminée d'un livre ancien. Colonna, organiste, maître de chapelle et compositeur de musique d'église, fit essentiellement carrière à Bologne — sa ville natale. Ces Lamentazioni de 1689 sont un chef-d’œuvre, où l'influence du maître Carissimi est transcendée par un art qui rend sublimement l'aspect paradoxal de cette musique austère et déliée, tendue et sophistiquée, claire et obscure, lyrique et dramatique, alliant virtuosité, diminutions, chromatismes, à un traitement syllabique de la déclamation. Les interprètes font le choix judicieux d'une reconstitution d’office : le chant grégorien s’intercale, comme à l’époque, entre les pièces, ce qui fait respirer naturellement l'œuvre, et reproduit à une échelle supérieure les contrastes déjà inhérents à chaque lamentation. Diction claire, voix agiles, usant de la couleur avec une grande subtilité et rendant le détail sans jamais tomber — comme on l'entend souvent dans ce type de répertoire— dans l'afféterie. L'accompagnement instrumental et la direction de Maurizio Fornero, musicien accompli et apprécié dans de nombreux festivals internationaux sont un modèle de précision, d'équilibre. Un enregistrement incontournable. (Bertrand Abraham) The initial years of the seventeenth century witnessed an extraordinary musical development owing in large part to the achievements of Italian composers. A decided advance occurred in the city of Bologna, where a group of brilliant composers open to stylistic innovations had gathered at the Basilica di San Petronio. In 1666, thanks to the initiative of the nobleman Vincenzo Maria Carrati, the Accademia Filarmonica was added to this vibrant musical panorama. During the second half of the eighteenth century, under Padre Giovanni Battista Martini, the Accademia would go on to experience its most glorious phase. From the very beginning this new institution could count on the participation of some prominent musicians active in Modena and Bologna. They included Giovanni Paolo Colonna, who had become acquainted with the famous Giacomo Carissimi in Rome. Carissimi introduced him to the resources of the sacred oratorio and offered him the organist’s post at the Chiesa di Sant’Apollinare. The Sacre lamentationi della Settimana Santa op. 9 shows how Colonna was able to generate the highest expressive power even with modest musical means. The intensive dramatic character rendered audible in this work moves listeners even today with its powerful contrasts between light and darkness – even with the simple means of a voice part and the basso continuo.
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