Debussy à Lorgue Aux Allures Doucement Effacées Bottini - Eleorg032 - Elegia

Curieux disque. Une pochette de couverture niaiseuse, un titre mallarméen : « Aux allures doucement effacées », une notice pavée de coquilles (Musorskij, Une expression debussinienne ou debussyenne...). Mais un programme original : Debussy à l'orgue. Où comment s'accomode le style impressionniste avec le roi des instruments (Le tout entre guillemets). Quelques transcriptions pour orgue des œuvres de Debussy sont contemporaines de ce musicien. Transcrire est une seconde nature chez l'organiste, après l'improvisation. Paolo Bottini n'est pas le premier interprète-arrangeur à tenter l'expérience. Sur l'orgue Kais de Karlsruhe, Carsten Wiesbuch s'était lui, consacré au recueil des Préludes et à la Suite Bergamasque (Audite). Il en avait tiré une belle démonstration à la fois musicale et intellectuelle. Pour son programme, Paolo Bottini a puisé trois transcriptions signés Alexandre Guilmant, Léon Roques et Gaston Choisnel mais a surtout ajouté les siennes. Elles correspondent à des pièces datant de la première période du compositeur (1862 – 1918). La plupart furent composées pour le piano. Rhabillées à l'orgue, les deux Arabesques ne sont plus qu' ondulations et chatoiements. Le Children's Corner est encore plus illustratif d'un certain kitsch anglais, voulu par le compositeur. (Savoureux Golliwogg's cake walk). Les Préludes glissent dangereusement vers une densité vaporeuse et enveloppante, pas loin des atmosphères d'un Messiaen. Globalement, on gagne en puissance et en harmoniques, mais la suggestion, les nuances de toucher du piano sont en partie sacrifiées. Un lion n'est pas une panthère. En revanche, timbres et couleurs sont spécifiques à l'instrument. On doit à la sensibilité de Paolo Bottini l'élégance, la parfaite lisibilité et les couleurs lumineuses de La petite suite de 1889 (à l'origine pour quatre mains) et des deux arrangements des préludes de L'enfant prodigue et de La demoiselle élue (tirés de la cantate et du poême « lyrique »). Le paisible Andantino du Quatuor en sol, revu par Guilmant, est fort bien ciblé par l'interprète. L'orgue du belge Ruyssers (1908) d'esthétique néo classique est proche d'un Cavaillé-Coll. A l'évidence, Bottini utilise la riche palette de l'instrument en choisissant judicieusement les jeux en fonction des climats de chaque pièce. Son doigté n'est jamais atone ni appesanti (défauts cruciaux ici) mais conjugue mobilité et délicatesse. Pour approfondir l'orgue et le langage debussyste traduits d'une façon disons, plus libre et fantaisiste, écoutez les six improvisations de Loïc Maille sur quelques thèmes de Debussy (Hortus). (Jérôme Angouillant)