 Les Nash n’en sont pas à leur coup d’essai coté Debussy ; voici quelques lustres ils avaient déjà gravé les trois Sonates, les jouant comme aujourd’hui un rien en camaïeux, fascinés d’abord par la palette plutôt que par le dessin, sinon celle pour violoncelle, enlevée avec beaucoup d’imagination par Adrian Brendel. Celle en trio (flute, alto, harpe) gagne ici une dimension quasi érotique, faisant un écho au sensuel arrangement du Prélude à l’après-midi d’un faune signé David Walter : un quintette à vents, un autre à cordes, une harpe, les crotales, un quasi petit orchestre qui revisite l’œuvre avec poésie. La poésie, et une touche infiniment mobile, caractérise justement leur version caloroso du Quatuor, chef d’œuvre qui sait susciter des lectures diverses. Celle de Benjamin Nabarro et de ses amis, par sa ductilité, son élégance, par cet air qui semble courir entre les pupitres, n’est pas sans rappeler le geste des Italiano, difficile de leur faire un plus beau compliment… (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)  Dès le "Prélude à l’après-midi d’un faune" qui ouvre le disque, tout est dit : les sonorités, les timbres sont magnifiques et magnifiquement captés, les instrumentistes du Nash Ensemble sont tous excellents (il serait injuste de distinguer telle ou tel, tant on sent qu’il s’agit d’un vrai travail d’ensemble), la transcription pour double quintette (vents et cordes) et harpe est remarquable d’ingéniosité. Ça a un côté "haute couture", d’une certaine façon. Mais ce Faune m’a semblé bien convenable, ses langueurs sont un peu corsetées… Faudrait-il écrire (avec un clin d’œil) qu’il est "so british" ? Probable que voilà un enregistrement qui sera plébiscité outre-Manche. L’impression se confirme avec les trois sonates pour divers instruments (dommage que celles avec clarinette, cor, hautbois, clavecin ou trompette n’aient jamais été écrites, The Nash y aurait sans doute fait merveille), puis avec le quatuor : somptueux tapis sonore, mais à qui manquent je trouve les émotions variées qu’on peut ressentir à l’écoute des très nombreuses grandes versions de la discographie. Bref l’objet sonore est magnifique et l’interprétation très solide… Mais face au quatuor Ébène, à Emmanuel Pahud et ses confrères dans les sonates, je pense que c’est la transcription du "Faune" qui sera le vrai plus de cet enregistrement. (Olivier Eterradossi)  Debussy composa son seul et unique Quatuor à cordes en 1893. C’était sa première pièce de musique de chambre de la maturité et si elle est reconnaissable d’emblée comme du Debussy, deux influences sont également perceptibles: la musique russe (en particulier Borodine), ainsi que les formes cycliques et la fluidité harmonique de César Franck. Ce quatuor fut un succès lors de sa première exécution, le 29 décembre 1893, par le quatuor d’Eugène Ysaÿe à la Société nationale de musique à Paris. Le critique belge Octave Maus écrivit dans L’Art Moderne que la musique révélait «un art extrêmement séduisant, à la fois simple et compliqué», notant que le scherzo était «d’une grâce et d’une ingénuité délicieuses». Parmi les premiers enthousiastes, il y avait aussi Paul Dukas, qui écrivit que le troisième mouvement lent était vraiment charmant dans sa poésie et sa suprême délicatesse de pensée. Cette œuvre influença ensuite des compositeurs français plus jeunes, notamment Ravel, dont le quatuor composé en 1902-03 doit beaucoup au modèle de Debussy. Le premier mouvement commence par un thème modal qui en vient à dominer toute l’œuvre. Si d’autres idées vont et viennent au cours de l’exposition, c’est seulement à la fin du premier mouvement que Debussy introduit un second sujet plus lyrique qui est ensuite varié à la place d’un développement conventionnel. La réexposition offre davantage de variations sur les deux idées principales. Le deuxième mouvement est un scherzo, basé sur le thème principal du premier mouvement remanié avec un nouveau rythme. La caractéristique la plus frappante de ce mouvement est peut-être la couleur éblouissante et la créativité de l’écriture pour cordes de Debussy. Pour Edward Lockspeiser, le mouvement lent a «une atmosphère de contemplation proche de la transe», alors que le finale présente le thème principal de l’œuvre sous des aspects encore plus originaux, menant le quatuor à une conclusion grisante. Soucieux, peut-être, du sérieux avec lequel un quatuor à cordes devait être présenté, Debussy lui donna un numéro d’opus entièrement fallacieux (op.10) et le décrivit, avec optimisme, comme son «1er Quatuor», bien qu’il ne lui donna jamais de successeur. Un an plus tard, en 1894, Debussy composa ce qu’il dépeignit comme une «illustration très libre» du poème de Stéphane Mallarmé L’après-midi d’un faune, la musique évoquant (sans les décrire) «les désirs et les rêves du faune dans la chaleur de cet après-midi». Pour Pierre Boulez, cette pièce sobre était une sorte de révolution musicale, en particulier du point de vue de l’approche debussyste de la forme. Boulez nota «une audace beaucoup plus grande» que dans le Quatuor à cordes et l’imputa à l’impression de liberté que donnait l’inspiration du poème. Il ajouta que: La flûte du Faune instaure une respiration nouvelle de l’art musical; l’art du développement n’y est point tellement bouleversé que le concept lui-même de forme, libéré des contraintes impersonnelles … La musique moderne s’éveille à L’après-midi d’un faune. Une autre caractéristique très originale de cette œuvre est son utilisation de timbres orchestraux extraordinairement délicats, mais Debussy lui-même en fit un arrangement pour deux pianos en 1895 et Ravel le transcrivit pour un seul piano, à quatre mains, en 1910. En 1920, Benno Sachs, un élève de Schoenberg, réarrangea le Faune pour l’ensemble de la Société d’exécutions musicales privées à Vienne. Le présent arrangement—pour quintette à vent, quintette à cordes, harpe et cymbales antiques—est dû au hautboïste et compositeur français David Walter. Transcription particulièrement délicate et ingénieuse, elle capte une grande partie de la subtilité en demi-teinte de la partition d’orchestre originale de Debussy. «Où en est la musique française? Où sont nos vieux clavecinistes chez lesquels il y a tant de vraie musique?» Ce sont de telles réflexions qui poussèrent Claude Debussy à se lancer dans une série de sonates instrumentales au début de la Première Guerre mondiale. Dans son adolescence, Poulenc, qui voulait obtenir un autographe de Debussy, écrivit au compositeur en octobre 1915 (en se faisant passer pour un critique musical belge) et Debussy répondit: «En ce moment, nous devons tâcher à ressaisir nos vieilles traditions: celles-là dont nous avons laissé la beauté qu’elles n’ont cessé de contenir.» C’est dans cet état d’esprit que Debussy se mit à écrire un recueil de six sonates. Affaibli par le cancer, il ne put en achever que trois avant sa mort. Selon son éditeur Jacques Durand, c’est l’écoute d’une exécution du septuor de Saint-Saëns qui incita le compositeur à revenir à la musique de chambre pour la première fois depuis le Quatuor à cordes. Les projets de Debussy pour les sonates non écrites (nos 4-6) étaient séduisants: la quatrième était prévue pour hautbois, cor et clavecin; la cinquième pour trompette, clarinette, basson et piano; et la sixième alliant tous les instruments utilisés dans les sonates précédentes, avec l’ajout d’une contrebasse. La Sonate pour violoncelle et piano fut la première sonate terminée, au cours de l’été 1915, et, à l’origine, elle devait avoir un titre: «Pierrot fait fou avec la lune». Même si cette œuvre fut écrite très rapidement, Debussy fut satisfait du résultat et dit à Jacques Durand le 5 août 1915 qu’il en aimait «les proportions et la forme presque classique dans le bon sens du mot». Tout en ayant des liens avec un passé disparu, la Sonate pour violoncelle et piano montre l’influence d’une musique plus récente, notamment l’utilisation d’un thème cyclique. Debussy, qui emprunta ce procédé à César Franck, l’utilisa auparavant dans son Quatuor à cordes, mais dans la Sonate pour violoncelle et piano, il y a davantage de raffinement et de délicatesse dans la manière dont il manie le thème. Le premier mouvement commence avec un geste qui introduit le motif qui unit bon nombre d’idées musicales dans cette œuvre (et qui rappelle l’ornementation baroque). Le deuxième mouvement est une sérénade spectrale pleine d’harmonies énigmatiques, et cela mène à un finale plus fluide et animé qui semble peu disposé à s’apaiser jusqu’aux derniers accords de ré mineur. La première exécution publique connue de cette œuvre fut donnée non pas en France, mais à l’Aeolian Hall de Londres, le 4 mars 1916, interprétée par le violoncelliste Charles Warwick Evans et la pianiste Ethel Hobday. Elle ne fut pas jouée à Paris avant le 24 mars 1917, par Joseph Salmon et Debussy lui-même. Des trois sonates achevées, la seule qui s’adresse à un effectif relativement peu conventionnel est la Sonate pour flûte, alto et harpe. Debussy caressa l’idée de l’écrire pour flûte, hautbois et harpe, mais décida ensuite de remplacer le hautbois par les sonorités plus riches de l’alto. Cette sonate s’inscrit dans un moule tripartite: une pastorale (marquée «lento, dolce rubato»), un interlude («tempo di minuetto») et un finale rapide. Dans cette œuvre étonnante, les atmosphères sont souvent fugaces, les idées très fragmentées et l’exploration apparemment aisée des couleurs instrumentales donne à la musique une fraîcheur exaltante. Sa création eut lieu au New England Conservatory de Boston, le 7 novembre 1916 et Debussy l’entendit lors d’un concert privé chez Durand, le 10 décembre 1916. Une exécution à Londres (2 février 1917) fut suivie de la première exécution publique française de l’œuvre le 9 mars 1917. La Sonate pour violon et piano fut la troisième (et dernière) des sonates «pour divers instruments» à être achevée. Le projet initial de Debussy consistait à l’écrire pour violon, cor anglais et piano, mais lorsqu’il commença à esquisser l’œuvre en 1916, il choisit le violon et le piano. Cette œuvre ne fut pas facile à réaliser. Debussy était souffrant et souvent déprimé au cours des années de guerre et, en octobre 1916, il écrivit à Jacques Durand: Dans une récente promenade au Cap Ferret, j’ai trouvé l’idée «cellulaire» du final de la Sonate pour violon et piano. Malheureusement, les deux premières parties ne veulent plus rien savoir. Comme je me connais, vous pensez bien que je ne vais pas les obliger à supporter un voisinage désagréable. En février 1917, le finale lui  Debussy wrote his only String Quartet in 1893. It was his first piece of mature chamber music and while it is immediately recognizable as Debussy, two influences are also apparent: Russian music (especially Borodin) and the cyclic forms and harmonic fluidity of César Franck. The quartet was a success at its first performance on 29 December 1893, given by Eugène Ysaÿe’s quartet at the Société nationale de musique in Paris. The Belgian critic Octave Maus wrote in L’Art Moderne that the music revealed ‘an extremely alluring art, at once simple and complex’, noting that the scherzo was ‘delicious in its grace and ingenuity’. Another early enthusiast was Paul Dukas, who wrote that the slow third movement was truly exquisite in its poetry and its supreme delicacy of thought. The work went on to influence younger French composers, notably Ravel, whose quartet of 1902-03 owes much to Debussy’s model. The first movement opens with a modal theme which comes to dominate the whole work. While other ideas come and go during the exposition, it is only at the end of the first movement that Debussy introduces a more lyrical second subject which is then varied in place of a conventional development. The recapitulation offers more variations on both main ideas. The second movement is a scherzo, based on a re-working of the main theme of the first movement with a new rhythm. Perhaps the most striking feature of this movement is the dazzling colour and inventiveness of Debussy’s string writing. The slow movement was described by Edward Lockspeiser as having ‘a trance-like mood of contemplation’, while the finale sees the work’s principal theme heard in yet more novel guises, bringing the quartet to an exhilarating close. Mindful, perhaps, of the seriousness with which a string quartet should be presented, Debussy gave it an entirely spurious opus number (Op 10) and described it, optimistically, as his ‘1er Quatuor’, though he never wrote a successor. A year later, in 1894, Debussy composed what he characterized as a ‘very free illustration’ of Stéphane Mallarmé’s poem L’après-midi d’un faune, the music evoking (but not describing) the ‘desires and dreams of the faun in the heat of the afternoon’. For Pierre Boulez, this restrained piece was something of a musical revolution, particularly in terms of Debussy’s approach to musical form. Boulez noted ‘much greater audacity’ than in the String Quartet and put this down to the sense of freedom which the inspiration of the poem provided. He added that: The flute of the Faune brought new breath to the art of music; what was overthrown was not so much the art of development as the very concept of form itself set free of impersonal constraints … Modern music was awakened by L’après-midi d’un faune. Another of the work’s most novel features is its use of extraordinarily delicate orchestral timbres, but Debussy himself made an arrangement of it for two pianos in 1895 and Ravel transcribed it for one piano, four hands, in 1910. In 1920 Schoenberg’s pupil Benno Sachs rearranged the Faune for the ensemble of the Society for Private Musical Performance in Vienna. The present arrangement—for wind quintet, string quintet, harp and crotales (Debussy’s ‘cymbales antiques’)—is by the French oboist and composer David Walter. A particularly sensitive and ingenious transcription, it captures much of the half-lit subtlety of Debussy’s original orchestral score. ‘Where is French music? Where are the old harpsichordists who wrote so much true music?’ It was thoughts like these that prompted Claude Debussy to embark on a series of instrumental sonatas at the start of World War I. The teenage Poulenc, eager to acquire Debussy’s autograph, wrote to the composer in October 1915 (masquerading as a Belgian music critic) and Debussy replied: ‘This is a time when we should be trying to regain a hold on our ancient traditions: those whose beauty we have let slip from us, but which has not ceased to exist.’ It was in this frame of mind that Debussy set out to write a set of six sonatas. Weakened by cancer, he lived to complete only three of the planned set. According to his publisher Jacques Durand, it was hearing a performance of Saint-Saëns’s septet that inspired the composer to return to chamber music for the first time since the String Quartet. Debussy’s plans for the unwritten sonatas (Nos 4-6) are tantalizing: the fourth was to be for oboe, horn and harpsichord; the fifth for trumpet, clarinet, bassoon and piano; and the sixth combining all the instruments used in the previous sonatas, with the addition of a double bass. The Cello Sonata was the first of the sonatas to be finished, in the summer of 1915, and it was originally going to have a title: ‘Pierrot angry with the moon’. Although the work was written at great speed, Debussy was pleased with the result, telling Jacques Durand on 5 August 1915 that he liked ‘its proportions and form—almost classical in the good sense of the word’. As well as its links to a vanished past, the Cello Sonata has debts to more recent music, including the use of a cyclic theme. Debussy, who borrowed this device from César Franck, had already used it in his early String Quartet, but in the Cello Sonata there is greater refinement and delicacy in the way he handles the theme. The first movement opens with a gesture which introduces the motif that unites many of the musical ideas in the work (and which recalls Baroque ornamentation). The second movement is a ghostly serenade full of enigmatic harmonies, and this leads to a more flowing and animated finale that seems reluctant to settle until the closing D minor chords. The first known public performance of the work was given not in France, but at the Aeolian Hall in London on 4 March 1916, played by the cellist Charles Warwick Evans and pianist Ethel Hobday. The work was not heard in Paris until 24 March 1917, when the performers were Joseph Salmon and Debussy himself. Of the three completed sonatas, the only one scored for relatively unconventional forces is the Sonata for flute, viola and harp. Debussy toyed with the idea of scoring it for flute, oboe and harp but then decided to replace the oboe with the richer sonorities of a viola. The sonata is cast in three movements: a pastorale (marked ‘lento, dolce rubato’), an interlude (‘tempo di minuetto’) and a quick finale. In this astonishing work, the moods are often fleeting, the ideas quite fragmented, and the seemingly effortless exploration of instrumental colours gives the music a thrilling freshness. Its first performance was given at the New England Conservatory in Boston on 7 November 1916 and Debussy heard it at a private concert in Durand’s house on 10 December 1916. A performance in London (2 February 1917) was followed by the work’s French public premiere on 9 March 1917. The Violin Sonata was the third (and last) of the sonatas ‘pour divers instruments’ to be completed. Debussy’s original plan had been to write it for violin, cor anglais and piano, but when he started sketching the work in 1916 he settled on violin and piano. The work did not come easily: Debussy was unwell and often depressed during the war years, and in October 1916 he wrote to Jacques Durand: Going for a walk recently at Cap Ferret [Arcachon], I found the cellular idea for the finale of the Violin Sonata. Unfortunately, the first two movements don’t want to have anything to do with it. Knowing myself as I do, I am certainly not going to force them to put up with an awkward neighbour. In February 1917 the finale was still giving him trouble and he reverted to an earlier idea for it. The sonata was completed by the start of May, and Gaston Poulet and Debussy gave the first performance at the Salle Gaveau on 5 May 1917 in what turned out to be the composer’s last public appearance. According to Poulenc, who was there, the hall was half empty and the applause ‘was just barely courteous’. Two days later, Debussy wrote to his friend Robert Godet: I’ve at last finished the Sonata for violin and piano. By one of those very human contradictions, it’s full of tumultuous joy. In future, don’t be taken in by works that seem to fly through the air;

|